Esprit insulaire, es-tu là ? Après s’être extrait des institutions de l’Union européenne, le Royaume-Uni semble décidé à filtrer drastiquement l’immigration économique. Une toute nouvelle procédure d’obtention de visas britanniques a pour objectif avoué de choisir les diplômés « les plus brillants et les meilleurs » et ceci, même sans candidature à une offre d’emploi locale. Ni xénophobie, ni racisme au programme, si l’on en croit les penseurs de ce système qui indiquent que les diplômés éligibles le sont quel que soit leur lieu de naissance. Rien que de l’immigration choisie sur des critères de mérite, en somme…
En revanche, le filtre se situe au niveau des universités reconnues dans la nouvelle procédure. Pour être retenu pour ce visa “d’excellence”, un ancien étudiant doit avoir obtenu son diplôme dans les cinq ans qui précèdent sa demande, dans une université non-britannique figurant, l’année où il fut lauréat, dans le top 50 d’au moins deux des classements mondiaux que sont celui du Times Higher Education (palmarès universitaire annuel du magazine du même nom), du Quacquarelli Symonds World University Rankings (un des trois classements des universités les plus réputés, avec ceux du Times et de Shanghai) ou du Academic Ranking of World Universities (le classement de Shangai). Or, en l’état actuel de la sélection britannique, ne figurent sur la liste que des établissements des États-Unis, d’Europe et d’Asie. Quelles que soient les mentions obtenues et les spécialités étudiées, les diplômés de campus africains, sud-asiatiques et latino-américains sont priés de passer leur chemin…
Si les africains qui ont fréquenté les établissements d’enseignement supérieur figurant sur la liste peuvent postuler à ce visa, des universitaires voient tout de même dans ce système une forme d’exclusion des talents du continent. Une situation d’autant plus dommageable que les diplômés en question sont particulièrement aux prises avec certains des plus importants défis du siècle, qui intéressent officiellement les institutions britanniques, comme l’accès à l’énergie, les changements climatiques ou encore les pandémies. Un africain ayant obtenu un diplôme dans un pays en développement particulièrement concerné par le sujet ne sera-t-il pas aussi compétent qu’un certifié “acculturé” ?
Si certains dénoncent des critères de classements quelque peu biaisés –
notamment en lien avec les années d’existence de l’université en
question et son accès aux financements -, les partisans du nouveau
système défendent un filtre objectif dénué de toute considération
géographique, rappellent la possibilité pour un africain d’étudier dans
un établissement de la liste et soulignent l’invitation faite aux
établissements recalés à gravir les échelons de l’excellence pour rejoindre…
Les contempteurs de la fuite des cerveaux africains y verront peut-être
une occasion de conserver les talents en Afrique, pour le meilleur du
continent.
Damien Glez