Au Sénégal, une classe pas comme les autres, dans une école pas comme les autres

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Ecoles au Sénégal
12 April 2022
Faire reverdir le Sahel tout en améliorant les conditions de vie des populations et les chances de réussite scolaire des enfants, est l’une des facettes de l’ambitieux projet panafricain de la Grande Muraille Verte. C'est à quoi s'attelle un petit village du nord du Sénégal qui accueille, dans sa seule école, les enfants de toutes les localités environnantes.

    Dans le village de Mbar Toubab, le projet de la Grande Muraille Verte prend forme. La localité abrite non seulement la base de l’Agence nationale de la GMV, composée de quelques petits bâtiments mais aussi un château d’eau, un poste de santé et une école publique. C’est le seul établissement scolaire de la zone.


   Ce matin, la classe se déroule dans le jardin de l’établissement scolaire. Sous un soleil ardent, les élèves appliquent sur le terrain les apprentissages théoriques. Chaque groupe d’élèves effectue sa tache sous l’œil attentif du Directeur d’école et d’un maître. Les uns, règle en main, calculent les espacements requis avant d’enfouir dans le sol les végétaux sélectionnés. Les autres sarclent ou arrosent la terre aride.


   En effet, dès l’école primaire, les enfants sont initiés aux enjeux de leur localité face à l’avancée du désert. Ils savent que leur jardin est une contribution à l’édification de la Grande Muraille Verte qui, du Sénégal à Djibouti, permettra d’arrêter l’avancée du désert.


« On participe vraiment à l’éducation environnementale des enfants car nous sommes en zone semi-désertique », explique Maïram Niang, la seule femme de l’équipe pédagogique. « Avec l’accord de la grande muraille qui a beaucoup fait pour l’école, on essaye de sensibiliser les élèves qui vont servir plus tard de relai ».


   L’Afrique, confrontée aux problématiques de la désertification, de la dégradation des terres et du changement climatique a mis en place l’Initiative de la Grande Muraille Verte à la fin des années 2000. C'est une bande de plus de 7.500 kilomètres qui traverse l'Afrique, du Sénégal à Djibouti. Par une approche multisectorielle, holistique et écosystémique, ce projet prévoit de planter des arbres pour freiner l'avancée du désert. Des mécanismes et instruments innovants sont élaborés et divers axes de coopération identifiés, tout en se concentrant sur des projets communautaires. 


La grande muraille augmente les chances des enfants de fréquenter l’école


   La population dans cette région du Sénégal, est principalement composée d’éleveurs. Ici, la transhumance est le mode de vie des familles Peuhles toujours à la recherche de nouveaux pâturages pour le bétail. 


   Avec le projet de Grande Muraille Verte, les parcelles reboisées permettent d’obtenir sur place du fourrage additionnel pour les animaux. Les habitants sont non seulement autorisés à y faire paitre leurs animaux mais sont sensibilisés à la gestion durable de la ressource. 


   Pour le Directeur de l’école, « la grande muraille a été un atout pour fixer les populations ». Ibrahima Diawara estime que sans ce projet l’école n’aurait pas été viable.

 

« Elle a été créée en 1998 mais a été gelée à deux reprises avant de l’être une troisième fois de 2006 à 2014. Alors que les populations étaient toujours là, les effectifs ne dépassaient pas 6 élèves. Avec le retour de la Grande Muraille Verte, cela a été un atout pour rendre l’école plus dynamique avec 150 élèves aujourd’hui inscrits ».


   Avec un taux de 100% de réussite à l’examen de fin de cycle primaire et la première place au niveau régional du concours international de dictée de la fondation Paul Gérin Lajoie, l’année dernière, l’école affiche ses succès. 


   Ces résultats sont le fruit de la participation de tous les acteurs : l’Agence nationale de la Grande Muraille qui offre des logements aux enseignants et appuie l’école, le poste de santé qui soigne gratuitement tous les écoliers et les parents qui participent au comité de gestion de l’école.


L’engagement des acteurs


   L’approche du développement intégré repose aussi sur l’engagement de tous. Les parents, pour éviter aux enfants de parcourir une quinzaine de kilomètres à pied, ont organisé un ramassage scolaire par charrette tirée par des ânes. 


   Les instituteurs jouent aussi un rôle prépondérant pour le maintien des enfants à l’école. Ainsi, les filles constituent 70% des effectifs en première année de cycle. A la fin des 6 années d’enseignement, il n’y a pratiquement plus de garçons car ils sont retirés de l’école pour garder le bétail. 


   Les filles, quant à  elles, bien que plus nombreuses à être scolarisées, sont mariées autour de 11 ou 12 ans et doivent quitter l’école pour rejoindre leur époux. Au regard de la situation, les enseignants font un travail de sensibilisation auprès des familles.


   Parmi les maîtres d’école, l’un parle la langue locale, le Peuhl. Amadou Aboubakrine BA témoigne du travail de sensibilisation effectué l’année dernière auprès d’une famille.


« L’année dernière, une élève avait confié au directeur d’école qu’elle devait quitter l’école pour suivre son mari. Nous avons donc décidé, mon collègue et moi, d’effectuer une visite de courtoisie auprès de ses parents et nous les avons convaincus de laisser leur fille poursuivre ses études. Ils ont accepté, elle a obtenu son entrée en 6ème. C’est la première fille de son village à fréquenter le collège et ses parents en sont très fiers », va-t-il expliqué.



 


 


Minielle Barro