Fille d'un riche fermier, Emma Rouault épouse Charles Bovary, officier de santé et veuf récent d'une femme tyrannique.
Élevée dans un couvent, Emma aspire à vivre dans le monde de rêve dont parlent les romans à l'eau de rose qu'elle y a lu. Un bal au château de Vaubyessard la persuade qu'un tel monde existe, mais le décalage qu'elle découvre avec sa propre vie déclenche chez elle une maladie nerveuse.
Son mari décide alors de s'installer dans une autre bourgade, siège de comices agricoles renommées, Yonville-l'Abbaye.
Là, elle fait la connaissance des personnalités locales, Homais, pharmacien progressiste et athée, le curé Bournisien, Léon Dupuis, clerc de notaire, Rodolphe Boulanger, gentilhomme campagnard.
La naissance dune fille la distrait un peu, mais bientôt Emma cède aux avances de Rodolphe. Elle veut s'enfuir avec son amant qui, lâche, l'abandonne;
Emma croit en mourir, traverse d'abord une crise de mysticisme, puis plus tard, au théâtre de Rouen, revoit Léon, revenu de Paris. Elle devient très vite sa maîtresse, lors d'une promenade dans un fiacre.
Installée dans sa liaison, Emma Bovary invente des mensonges pour revoir Léon, et dépense des sommes importantes, qu'elle emprunte à un marchand trop complaisant, L'heureux.
Un jour, celui-ci exige d'être remboursé, Emma, par peur du jugement qui va être prononcé contre elle, tente d'emprunter auprès de Léon, puis de Rodolphe. Tous deux la repoussent, et Emma s'empoisonne avec l'arsenic dérobé chez le pharmacien.
La bêtise.
L'échec et l'ennui.
L'auteur dans son œuvre, les rapports de la vie et de l'invention.
La variation du point de vue.
L'influence des lectures.
Lucidité et illusion dans le rapport au monde.
Un roman de l'Ironie. L'Ironie est présente sous plusieurs formes dans le roman : satire sociale, mais aussi remise en question du langage. Elle révèle une posture du romancier en face de l'art et de la vie. 5 années d'écriture.
Pas de description en début de livre comme l'aurait fait Balzac : un portrait qui va se construire par petites touches dispersées tout au long du livre. Le plus souvent, elle est décrite à travers le regard d'un personnage. C'est la chevelure d'Emma qui est son attribut de féminité : elle change en fonction de ses états d'âme. Bandeau lorsqu'elle est sage « anneaux noirs » de sa chevelure lorsqu'elle se veut sensuelle.
Elle a été éduquée au couvent des Ursulines de Rouen. C'est là que son imagination s'enflamme à la lecture des livres romantiques. Mais elle ne retient aucune discipline, elle est «de « tempérament plus sentimental qu'artiste ». A sa sortie du couvent, elle a pris la campagne en dégoût. Elle épouse le premier prétendant qu'on lui présente, croyant éprouver de l'amour.
Tout le développement du roman est dans cette situation initiale : une jeune fille rêveuse, sans réelle formation intellectuelle ou morale, exaltée par des lectures qu'elle comprend mal, et qui épouse un médiocre destiné à une vie médiocre.
Sous cet angle, on peut penser que Madame Bovary est un roman d'apprentissage.
Emma balance entre idéal et médiocrité quotidienne. Même dans ses relations adultères avec Rodolphe et Léon, Emma finit par retrouver les mêmes déceptions que dans le mariage. La répétition des désillusions accroît le sentiment d'échec. Emma ne croit pas pouvoir trouver le bonheur dans la réalité. Elle n'accorde d'intérêt quaux êtres de fiction.
Le drame d'Emma c'est de se faire toujours des illusions sur elle-même, ses sentiments, de croire qu'elle vit des sentiments qu'elle n'éprouve pas.
Elle se conçoit toujours autre qu'elle n'est : c'est ce qu'on nommera le bovarysme.
Finalement, la seule véritable expérience authentique que vivra Emma, c'est celle du suicide. Il lui aura fallu affronter l'épreuve de la mort pour rencontrer l'authenticité.
Être bourgeois constituait aux yeux de Flaubert la plus graves des tares. Son sujet le « dégoutait ». Pour Flaubert « quiconque pense bassement » est bourgeois. Rodolphe, Léon, Lheureux et surtout Homais incarnent la figure du bourgeois.
Flaubert ne cherche pas à tout savoir de ses personnages comme le narrateur omniscient de Balzac. Il ne donne pas non plus une peinture exhaustive ( complète ) de ses personnages, mais procède par petites touches à travers les chapitres, qui se complètent et s'enrichissent au fur et à mesure.
La description expressive est particulièrement utilisée : Flaubert n'hésite pas à décrire plusieurs fois le même lieu, vu par des personnages différents, dans des circonstances différentes.
Cette description apporte un puissant soutien à l'analyse psychologique : une correspondance étroite s'établit entre les sentiments de l'héroïne et la représentation de l'espace qu'elle a sous les yeux.
Par exemple, le sommeil des choses, les cloportes qui se traînent, la statue abîmée, tout se métamorphose en son équivalent subjectif : les déceptions, les découragements, l'ennui. A la dégradation du monde correspond la dégradation psychologique.
Par rapport à Balzac ou Stendhal, Flaubert rend plus rare l'utilisation du discours direct ( dialogue ). Flaubert dit lui-même que ces dialogues se réduisent à des « monologues », car il s'agit de « bavardages » que personne n'écoute. Chacun est renvoyé à sa solitude car il n'y a pas d'échange.
De ce fait, Flaubert privilégie le discours indirect libre pour traduire la pensée et la psychologie de ses personnages.
Le discours indirect libre se reconnaît surtout par le contexte. Pas de verbe introducteur, pas de marque de subordination ( ni « que » ni « si » ), respect de la concordance des temps, mais maintien de la ponctuation et marques de modalisation ( présence du jugement du narrateur ) par le biais de certains termes : adverbes, adjectifs.
Le discours indirect libre exprime un contenu de pensée du personnage et permet au lecteur de se sentir au plus près des pensées du personnage, créant ainsi un « effet de réel ».
Exemple : « le souvenir de Rodolphe... lui avait passé dans l'âme. Il était si bon, si délicat, si généreux ! ». Pas de verbe introducteur de parole, expression directe des sentiments d'Emma et maintien de la ponctuation expressive. Le lecteur participe, en pensée, à l'enthousiasme d'Emma. C'est une sorte de « dialogue intérieur ».
Nous savons cependant que ce propos est rapporté par un narrateur qui ne peut considérer Rodolphe comme un être « bon et généreux ». C'est de ce décalage entre ce que dit et pense le personnage, et la vision du monde du narrateur, que naît la portée ironique du discours rapporté.
C'est la grande force du discours indirect libre : il permet de se situer en tant que lecteur, à la fois dans et à l'extérieur du personnage, de percevoir l'enthousiasme d'Emma, mais aussi na naïveté. La subjectivité envahit la narration.
Le style flaubertien se caractérise également par la multiplication des voix narratives. L'unité du sujet parlant est mise en cause, annonçant les grandes orientations narratives du 20e siècle. On ne sait parfois à qui attribuer les remarques, les jugements, les commentaires.
C'est une particularité du style de Flaubert. Il procède de l'énumération en trois temps et témoigne de la volonté de traduire le plus précisément possible la réalité : ainsi Charles « le menton sur la poitrine, les mains jointes, les yeux fixes ». Soit ce rythme ternaire exprime cette volonté de réalisme scrupuleux, soit il traduit dans le discours des personnages, un effet oratoire et grandiloquent souvent propre au discours romantique.
Flaubert s'est voulu absent de son libre : « Nul lyrisme, pas de réflexion, personnalité de l'auteur absente » ( correspondance ).
Tout objet peut être digne d'écriture. « L'auteur dans son œuvre, doit être comme Dieu dans l'univers, présent partout, visible nulle part » ( correspondance ).
Ce désir d'impersonnalité de Flaubert provient de sa méfiance à l'égard du romantisme. Mais la véritable motivation de Flaubert, c'est de viser à l'universel : pour toucher à une généralité plus grande, il faut dépouiller l'expression de ce qu'elle a de trop personnel. « Pas de monstre, pas de héros ».
Par ailleurs, Flaubert répugnait à appartenir à une « école » littéraire : il n'aimait pas les étiquettes, c'est pourquoi il s'est défendu d'appartenir à un quelconque mouvement.
Le caractère visionnaire du style de Flaubert dans Madame Bovary contribue à faire de ce roman une œuvre capitale et fondatrice dont se réclameront nombre de romanciers.