Histoire du Sénégal: Cheikh Hamidou Kane

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Ecoles au Sénégal
14 April 2023
Cheikh Hamidou Kane, figure respectée de la première génération d’écrivains africains, dont le roman autobiographique L’Aventure Ambiguë, véritable classique des lettres africaines paru en 1961, est aujourd’hui lu et enseigné aux quatre coins du continent.

Cheikh Hamidou Kane, né à Matam le 2 avril 1928, est un écrivain et un haut fonctionnaire sénégalais, qui occupa notamment des fonctions ministérielles. Son livre L'Aventure ambiguë, qui lui vaut le Grand Prix littéraire d'Afrique noire en 1962, est devenu un classique de la littérature africaine. Cet ouvrage est aussi le principal argument qui lui vaudra d'être consacré à l'édition 2019 du Grand Prix des mécènes.

 

 

Né le 2 avril 1928 à Matam, au nord du Sénégal, Cheikh Hamidou Kane appartient à une grande famille peule, une ethnie qu’on retrouve dans presque tous les pays de l’Afrique de l’Ouest et dont les chefs ont été parmi les premiers convertis à l’Islam en Afrique, lors de la dynastie des Almoravides au 10e siècle. C’est donc dans cet environnement religieux que Cheikh Hamidou grandit. Second fils de Mamadou Lamine Kane et de Yéya Racine Kane, il est, comme les cadets chez les Peuls, surnommé Samba (comme le Samba Diallo de L’Aventure ambiguë). Son père, fonctionnaire à Louga, était connu pour sa foi et sa générosité.

 

 

Destiné par son père à devenir marabout, Cheikh Hamidou est confié, dès l’âge de 7 ans, aux soins du maître coranique Thierno Moctar Gadio, à Saldé village natal de sa mère. À 9 ans, avec l’appui d’un cousin instituteur de la région, on l’inscrit à l’école primaire française de Louga. Avide de lectures, le jeune Cheikh Hamidou rêve d’être philosophe. Mais l’accès au lycée étant réservé aux fils de colons blancs, il est orienté vers l’École des fils de chefs, établie dans les locaux de l’École primaire supérieure Blanchot, à Saint-Louis.

 

 

Déterminé à aller au lycée plutôt que d’embrasser une carrière de Chef de Canton à laquelle on le destinait, Cheikh Hamidou surmonte une série d’obstacles placés sur son chemin par l’administration coloniale. Il apprend tout seul le programme de seconde et, au grand étonnement des autorités, est reçu à l’examen d’entrée en première au lycée Van Vollenhoven à Dakar, où il fait de brillantes études. Muni du Baccalauréat, il s'inscrit en 1951 à l’Institut des Hautes Études de Dakar, l’ancêtre de l’Université Cheikh-Anta-Diop, où il commence ses études de droit et de propédeutique lettres dans la perspective d’entamer des études de philosophie. 

 

Pendant cette période du Lycée et de l’Institut des Hautes études à Dakar, il ne cesse de mener des activités corporatistes et estudiantines, notamment au sein de l’AGED, l’Association générale des étudiants de Dakar, tout comme il continuera de le faire plus tard, au sein de la FEANF, la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France.

Le jeune Cheikh Hamidou poursuit ses études en 1952 à Paris, au prestigieux Lycée Louis-le-Grand ainsi qu’à la Sorbonne, où il obtient deux licences, l’une en droit, l’autre en philosophie. En septembre 1956, il réussit au concours d’entrée à l’École nationale de la France d’Outre-mer (
ENFOM). En 1959, muni de ses diplômes, Cheikh Hamidou Kane est officiellement administrateur de la France d’Outre-mer et prêt à rentrer au Sénégal.


Mamadou Dia, alors Président du Conseil du gouvernement du Sénégal et dont l’attention fut attirée par les qualités de travail de Cheikh Hamidou, l'affecte tout de suite au Ministère du Développement économique, puis, en mars 1960, à un mois de l’Indépendance du Sénégal, le nomme Gouverneur de la région de 
Thièszone-test du plan économique de Mamadou Dia pour le développement rural. Un an plus tard, le Président Léopold Sédar Senghor promeut Cheikh Hamidou Kane Haut-commissaire Général au Plan. C’est aussi cette année-là, 1961, que paraît son roman, L’Aventure ambiguë, entamé en 1952, et qui recevra le Grand Prix littéraire d’Afrique noire en 1962. Cf. « Œuvre »


À l’époque où Cheikh Hamidou Kane participait à la transformation de la colonie du Sénégal en État indépendant, un orage grondait à la tête du jeune gouvernement. La nouvelle république avait un régime parlementaire, où le pouvoir exécutif était partagé entre le président de la République, Léopold Senghor, et le Président du Conseil, Mamadou Dia. Incommodé par le pouvoir de Dia et inquiet des conflits et complots au sein du gouvernement, Senghor décide de mettre un terme au régime parlementaire et fait mettre Dia aux arrêts, l’accusant d’avoir fomenté un coup d'État.

 

Au moment de cet événement, Senghor propose à Cheikh Hamidou Kane de le nommer Vice-président du Sénégal après qu’il ait procédé à une réforme constitutionnelle substituant un régime présidentiel au régime parlementaire. En désaccord avec le Président Senghor et la façon dont il avait géré son différend avec Dia, Cheikh Hamidou décline l’offre et quitte le Sénégal en 1962, décidé à ne revenir que quand Dia, qu’il savait innocent, serait libéré de prison. Cet exil volontaire durera douze longues années, pendant lesquelles Cheikh Hamidou sera engagé par l’UNICEF, à Lagos, puis à Abidjan, pour diriger les opérations de l’organisme international dans une vingtaine de pays de l’Afrique subsaharienne.


En 1974, Senghor se résout finalement à libérer Dia. Mais avant de revenir au Sénégal, Cheikh Hamidou accepte le poste de Vice-président du Centre de Recherche pour le Développement International, basé à Ottawa, une fonction qui le fait voyager à travers le monde, des Philippines à l’Amérique Latine en passant par l’Inde et d’autres pays du Sud.

Dès son retour au Sénégal, en 1976, Senghor lui confie la gestion de ce qu’il restait de Dakar-Marine, un projet grandiose de chantier de construction navale à Dakar, conçu par le Shah d’Iran et Senghor. À l’issue de la réalisation de ce projet en 1978, Senghor nomme Cheikh Hamidou Kane Ministre du Développement industriel et de l’Artisanat. Puis, de 1981 à 1988, Cheikh Hamidou occupera le poste de Ministre du Plan et de la Coopération sous le Président Abdou 
Diouf.

 

Après trente ans de service public, Cheikh Hamidou Kane demande à être libéré de ses fonctions. Il est prêt pour la retraite, mais une retraite active. En effet, pendant de nombreuses années, il fut le président d’ENDA Tiers-monde et d’autres associations non-gouvernementales à vocation culturelle, comme Tabital Pulâgu, une organisation vouée à préserver l’héritage peul, ou d'initiative caritative comme le PARRER, œuvrant pour le retrait et la réinsertion des enfants de la rue.


Cheikh Hamidou est alors prêt à retourner à l’écriture. Son deuxième roman, Les Gardiens du Temple, paraît en 1995. Selon l’auteur, "L’Aventure ambiguë témoigne de ma vie et des trente dernières années de la colonisation. Quant aux Gardiens du Temple, il dépeint les trente années qui ont suivi l’indépendance."


Cheikh est aussi prêt à consacrer plus de temps à sa famille. Sa première épouse, 
Yâye Oumou, une cousine, était de santé fragile et meurt à l’âge de 26 ans après lui avoir donné deux filles. Avec sa deuxième épouse, Marie-Thérèse, une sage-femme, Cheikh Hamidou a quatre enfants, deux garçons et deux filles.
Homme de foi, philosophe, mais aussi et surtout homme d’action, Cheikh Hamidou Kane, comme l’écrit Mariama Baldé, "nous invite à oser la lucidité, l’humilité, la sobriété, la responsabilité, l’Amour et l’espérance".

 

(Source : https://booknode.com)