Les Nouveaux Contes d'Amadou Koumba par Birago Diop

image descriptif
profile
Ecoles au Sénégal
10 March 2021
.
1. Du griot à l'auteur
a. Amadou Koumba
Amadou Koumba a réellement existé dans l’est du Sénégal. Il est griot : conteur et musicien qui transmet sous l’arbre à palabres (à paroles) les contes, la mémoire d’un peuple, la sagesse d’une communauté.
Le griot transmet à Birago Diop la parole et les légendes. Ainsi naissent des personnages connus de tous comme : Golo le singe, Leuk le lièvre, Bouki l’hyène, Gaïndé le lion…
b. Birago Diop (1906-1989)
Il est né en 1906, dans la banlieue de Dakar. Il va à l’école française et coranique exigeante, jusqu’au baccalauréat, puis il poursuit ses études en France. Il participe à la naissance du mouvement La Négritude avec nombre d’auteurs africains.

Avant de devenir conteur, il sillonne la brousse de l’Afrique de l’Ouest, à l’époque coloniale, en tant que vétérinaire, jusqu’à la deuxième guerre mondiale.

En 1947, il publie Contes d’Amadou Koumba, suivis des Nouveaux Contes en 1958.
En 1958, il est nommé ambassadeur du Sénégal en Tunisie, avant de se fixer à Dakar. Il abandonne la littérature dès l’indépendance, se consacrant à la vie politique.
Conteur reconnu, poète, il finit sa vie en rédigeant ses Mémoires entre 1978 et 1982.
2. Les contes
a. Composition du recueil
• L’introduction
L’auteur rend un hommage sincère et humble au griot duquel il détient ses contes.

• Dix-neuf contes
 se répartissent selon un schéma particulier d’encadrement :
      - les deux premiers et deux derniers contes relatent des thèmes parallèles qui ouvrent et ferment le recueil comme le thème de l’impossibilité de changer la nature profonde des êtres (Fari l’ânesse est métamorphosée en femme mais le roi qu’elle a épousé découvre sa vraie nature et la réduit à l’esclavage) ou le récit initiatique dont la quête est la recherche d’une vérité (L’Héritage met en scène trois frères qui cherchent le sens du don de leur père défunt : trois outres (= gourdes en peau de bête) mystérieuses. Après un long périple, les enfants comprennent avec l’aide d’un sage que le bonheur est chez eux, dans leurs biens familiaux.)

      - les contes merveilleux et étiologiques (Les Mamelles du Cap vert expliquent la formation du relief sénégalais : ce sont les deux bosses de Khary-Khougué, une femme jalouse et envieuse, femme engloutie par les flots, bosses qui surplombent la pointe qui sont devenues les Mamelles.)

     - les contes réalistes et la saga des animaux (Maman Caïman mêle le merveilleux de la fable et le réalisme de la guerre.) Les animaux mettent en scène les travers des hommes, comme la ruse, la paresse, la débauche.
b. Contenu
Les contes évoquent une certaine réalité africaine et plus précisément une vision de la société coloniale à travers une perspective africaine.

La relation à l’autre est délicate dans une société coloniale.
Exemple : le sergent (Sarzan) rentre au village imprégné et influencé par la présence française dans l’intention de naître à la civilisation mais il devient fou, ne pouvant renoncer à sa nature profonde et intime : le souffle africain et les valeurs indigènes.

La cruauté de l’homme, les défauts et vices incarnés par les animaux : les bêtes dévoilent les travers des hommes .
Exemple : Les Mauvaises Compagnies mettent en scènes des animaux comme le crabe, le rat, le crapaud, parmi lesquels les coups bas et trahisons sont de rigueur.

Les traditions tribales sont présentes à travers les rites ancestraux.
c. Style
Le récit est bref avec des dialogues vifs : il donne une impression de simplicité authentique, comme une nouvelle dramatique.
Exemple : Le jugement présente une succession de faits (la femme est chassée, le mari regrette de l’avoir répudiée, sans le reconnaître), pour arriver à un dénouement brusque (les Sages refusent de forcer le retour de la femme répudiée).

La répétition témoigne de l’héritage oral puisque la reprise éveille l’attention de l’auditoire.

L’humour permet de rétablir les inégalités entre les grands et les petits, détendre les tensions.
Exemple : dans Vérité et mensonge, un personnage promet au roi de ressusciter sa femme. Il ruse et lui dit qu’en réveillant l’épouse, il réveille les prédécesseurs qui veulent récupérer leur trône. Le roi oublie vite la promesse, donne la moitié de ses biens. Au-delà du récit macabre, la supercherie est drôle, la frivolité du roi fait rire. Le rire atténue la vision atroce de la condition humaine.