Le recueil aurait dû s’appeler Les Limbes ou encore Les
lesbiennes ; Baudelaire, sur le conseil d’un ami, y renonce. Le titre
définitif repose sur le paradoxe que Charles Baudelaire a tenu à entretenir
durant toute sa vie littéraire. En effet, l’auteur considère la Nature comme
étant, par définition, laide ; il considère la beauté comme artificielle.
Certes la beauté n’est point le fruit de la nature, en cela le paradoxe est
juste, mais il convient de sentir que la naissance, l’éclosion de la beauté
proviennent du terreau sur lequel elle pousse : le « mal ». Une
Charogne, par exemple, nourrit la terre et la rend fertile, elle nourrit les
vautours et la vie, la mort est le voyage pour la vie. Sans la considération du
mal et son étendue qui est l’anéantissement des sens, la recherche sensible n’a
lieu d’être, c’est le paradoxe encore, naturel au possible, c’est l’effet de la
cause ; la psychologie dans l’art et ses mécanismes tragiques empruntés à
la science meuvent l’extraordinaire, une trame où correspondent des instruments
de torture si bien agencés qu’ils amusent l’œil de la victime. La fleur est cet
objet, une perfection du hasard, une forme plus artificielle que les inventions
les plus folles, on la contemple parce qu’elle est bizarre, parce que rien n’y
dépend du prévu et tout s’y assemble à merveille, on a beau avoir vu bien des
roses, on s’étonne à coup sûr d’en voir une nouvelle, pas de rappel en mémoire,
pas de « madeleine », seulement l’impression de « première fois » ;
on note d’ailleurs que les poèmes de ce maigre recueil dans l'œuvre maigre de
Baudelaire résonnent à chaque lecture du ton de l’inconnu, les saurait-on par
cœur.
Le poète divise son recueil en six parties : Spleen et
idéal, Tableaux parisiens, Le Vin, Fleurs du mal, Révolte et La Mort. Cette
construction reflète son cheminement, sa quête : spleen et idéal, tout
d'abord, constitue une forme d'exposition ; c'est le constat du monde réel
tel que le perçoit l'écrivain. Les 3 sections suivantes en procèdent, dans la
mesure où elles sont des tentatives de réponse au spleen, d'atteinte de
l'idéal. Baudelaire s'aventure à cette fin dans les drogues (Le Vin) puis tente
de se noyer dans la foule anonyme de Paris pour y dénicher une forme de beauté
(Tableaux parisiens) avant de se tourner vers le sexe et les plaisirs physiques
(Fleurs du Mal). Après ce triple échec vient la révolte contre l'absurdité de
l'existence (Révolte) qui, elle aussi s'avérant vaine, se solde par La Mort.
Baudelaire tout au long de son œuvre joue sur les
correspondances verticales et horizontales (ou synesthésies Baudelairiennes)
qui inspirent par la suite de nombreux poètes. Toute son œuvre est construite
sur un cheminement moral, spirituel et physique. Il met aussi en évidence les
relations entre les cinq sens et les émotions de l'Homme.
La femme dans les Fleurs du Mal.
Le thème de la femme traverse toutes les Fleurs du Mal. La
femme se fait tout à la fois être sensuelle, envoûtante mais aussi
inaccessible. Baudelaire s'inspire surtout de trois de ses amantes :
Jeanne Duval, Marie Daubrun, et Apollonie Sabatier.
Le 1er juin
1855, La Revue des Deux Mondes publie sous le titre des Fleurs du mal, dix-huit
poèmes de Baudelaire.
Il y intègre la quasi-totalité de sa production poétique
depuis 1840.
Baudelaire remet à l'éditeur Auguste Poulet-Malassis le
manuscrit le 4 février 1857. Le 20 avril, la Revue française publie neuf
poèmes. Le premier tirage est effectué à 1 300 exemplaires, et mis en
vente le 23 juin. Le Moniteur publie le 14 juillet un article élogieux
d’Édouard Thierry.
Ces fleurs maladives seront dédiées au poète Théophile
Gautier, sacré « parfait magicien des lettres françaises » et
« poète impeccable ».
Le 5 juillet 1857, un article du Figaro de G. Bourdin
critique « l’immoralité » des Fleurs du mal. Le 7 juillet, la
direction de la Sûreté publique (ministère de l’Intérieur) saisit le parquet du
délit d’« outrage à la morale publique » et pour « outrage à la
morale religieuse ». Cette dernière accusation est finalement abandonnée.
Le 20 août, le procureur Ernest Pinard, qui avait également requis contre Madame
Bovary, prononce un réquisitoire devant la 6e
Chambre correctionnelle. Le 21 août, Baudelaire et ses éditeurs sont condamnés
respectivement à 300 et 100 francs d’amende, ainsi que la suppression de six
pièces, pour délit d’outrage à la morale publique. Le 30 août, Victor Hugo
écrit à Baudelaire « Vos Fleurs du mal rayonnent et éblouissent comme des
étoiles », et pour le féliciter d’avoir été condamné par la justice de Napoléon
III. En 1859, Victor Hugo écrira que l’ouvrage apporte « un frisson
nouveau » à la littérature. Le 6 novembre, Baudelaire écrit à
l’impératrice pour demander une réduction de l’amende qui est réduite à 50
francs par le garde des Sceaux.
Poulet-Malassis, réfugié en Belgique après une condamnation
de 3 mois de prison, publie en février 1866 sous le titre Les Épaves
vingt-trois poèmes de Baudelaire, dont les six pièces condamnées. L’éditeur
sera condamné le 6 mai 1868 par le tribunal correctionnel de Lille pour cette
publication.
L’édition suivante de 1861 enlève les pièces interdites et
rajoute 30 nouvelles œuvres. L’édition définitive et posthume de 1868
comprendra finalement 151 poèmes, mais ne reprend pas les poèmes
interdits ; ceux-ci seront publiés, ainsi que ceux du recueil Épaves, à
Bruxelles en 1869 dans un Complément aux Fleurs du mal de Charles Baudelaire.
Charles Baudelaire et ses éditeurs ont été réhabilités par
la Cour de Cassation le 31 mai 1949.