Portrait de
Mohamed Mbougar Sarr
Couronné du Goncourt en 2021 à tout juste 31 ans, et salué unanimement par la critique, pour son immense et ambitieux roman-monde La plus secrète mémoire des hommes, le Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr est résolument la révélation de la jeune littérature francophone africaine. Lauréat du prix Ahmadou Kourouma pour son premier roman Terre ceinte, il fut récompensé par le prix Littérature-Monde en 2018 à Saint-Malo pour son second roman Silence du chœur (Présence Africaine, 2017). Après avoir exploré l’intégrisme religieux et l’immigration africaine en Europe, il livre un roman polyphonique et polymorphe, tout à la fois profond, exigent, sensuel et drôle, sûr, selon ses mots, "le sens de la littérature, le sens de la quête littéraire, le sens d’une enquête existentielle". S’inspirant du destin de l’écrivain malien Yambo Ouologuem, il s’agit aussi d’une réflexion sur l’histoire des Lettres africaines ; comme il le dit lui-même, "l’Afrique n’est pas à mettre à part dans l’histoire de la littérature."
Lauréat du grand prix du roman métis et du prix Ahmadou Kourouma pour son premier roman Terre ceinte, Mohamed Mbougar Sarr est une révélation de la jeune littérature francophone.
Très jeune, déjà, il lit tout ce qu’il lui tombe sous la main. Une passion qui ne l’a jamais quitté : en 2009, après avoir passé son enfance au Sénégal, il vient en France pour faire son hypokhâgne, affirmant ainsi son goût pour la Littérature et la Philosophie.
Fin 2010, le jeune auteur se met à tenir des chroniques régulières sur un blog, où il écrit billets d’humeur et nouvelles. C’est l’une d’elles qui a remporté le prix Stéphane Hessel de la Jeune écriture francophone, l’année dernière. La cale, comme le laisse deviner son titre, se déroule dans la cale d’un bateau négrier et met en scène l’histoire d’un chirurgien dont la curiosité pousse à vouloir connaître la réalité. L’épisode bouleverse le protagoniste à tel point qu’il renonce à exercer toute activité liée à cette traite. Une référence sans équivoque au passé colonial de l’île de Gorée, lieu emblématique de l’esclavage.
S’inscrivant dans cette veine, où le réel vient télescoper la fiction, Terre ceinte prend comme point de départ un fait divers réel : la lapidation d’un jeune couple, en 2013, à Tombouctou – le même fait divers qui inspira le film Timbuktu d’Abderrahmane Sissako. Dénonçant l’intégrisme religieux, il met en scène des personnages enfermés dans un climat de violence.
En 2017, il publie Silence du chœur : soixante-douze ragazzi, de ces hommes qu’on appelle réfugiés ou migrants, arrivent à Altino, dans la campagne sicilienne. Pris en charge par l’association Santa Marta, leur présence bouleverse le quotidien de la petite ville. En attendant que leur sort soit fixé, les ragazzi croisent toutes sortes de figures : un curé atypique qui réécrit leurs histoires, une femme engagée à leur offrir l’asile, un homme déterminé à le leur refuser, un ancien ragazzo devenu interprète, ou encore un poète sauvage qui n’écrit plus. Un « roman humain plus qu’humaniste » (Africultures), qui évite les caricatures, récompensé à Saint-Malo par le jury du Prix Littérature-Monde francophone Etonnants Voyageurs et par le Prix de la Porte dorée 2018.
Avec son troisième roman, De purs hommes, il s’attaque à nouveau à l’intégrisme religieux, sous l’angle cette fois de l’homophobie. Après une vidéo virale montrant le corps d’un homosexuel exhumé par une foule, un jeune professeur de lettres, Ndéné Gueye, se met à la recherche du passé de cet homme. En chemin, il découvre le contexte social de plus en plus tendu pour les homosexuels sénégalais. D’une écriture poétique et scrupuleuse, Mohamed Mbougar Sarr signe ici un roman bouleversant sur la seule grande question qui vaille aux yeux de son héros : comment trouver le courage d’être pleinement soi, sans se trahir ni se mentir, et quel qu’en soit le prix ?
Sélectionné pour tous les grands prix d’automne, il obtient le Prix Goncourt en 2021, la plus convoitée des distinctions littéraires françaises, pour son roman La plus secrète mémoire des hommes, co-édité par Philippe Rey en France et Jimsaan au Sénégal. Une consécration pour un roman ample et foisonnant, à la fois enquête, journal, enquête sociale, récit, fiction… une aventure totale de la langue qui impose une plume singulière et puissante sur la scène francophone.
@EtonnantsVoyageurs