Cet homme a, comme le
dit bien le chroniqueur Abdourahman Waberi, « donné voix et corps à la
force morale d’un peuple, à sa capacité d’indignation et à son désir
d’être libre ».
Lorsqu'à la faveur d'un coup d'État, il se saisit
du pouvoir, le capitaine Sankara n'est pas un inconnu dans son pays. Il
jouit déjà d’une réputation de héros national, forgée lors du premier
conflit frontalier avec le Mali, en 1974. Son aura mythique se confirme
en 1982 quand, sous prétexte qu'on « bâillonnait » le peuple, il
démissionne avec éclat de son poste de secrétaire d'État à l'Information
dans le gouvernement militaire du colonel Saye Zerbo qui, deux ans
auparavant, avait mis fin au régime civil de Sangoulé Lamizana.
Parmi
ses initiatives les plus populaires, on compte l’abolition du travail
obligatoire pour les petits paysans, la promotion de l’égalité des
sexes, la lutte contre la corruption, l’interdiction de l’excision, le
lancement de chantiers de logements sociaux, l’instauration de la
vaccination de masse (qui fera chuter le taux de mortalité infantile),
la rénovation du réseau ferroviaire, le combat pour l’alphabétisation
(le taux d'alphabétisation est passé de 13 % en 1983 à 73 % en 1987) et
l’écologie. Sankara lui-même menait un style de vie austère. Il a réduit
son propre salaire, ainsi que celui de tous les fonctionnaires.
Cependant,
l’attitude de Sankara, et la grande popularité dont il jouira au sein
de la jeunesse africaine finiront par lui attirer la méfiance de ses
voisins, et de certains pays occidentaux. Il est assassiné de douze
balles le 15 octobre 1987, lors d’une réunion au Conseil de l’Entente
(une organisation régionale de l’Afrique de l’Ouest). Malgré ses
méthodes tumultueuses, Thomas Sankara incarne une Afrique libérée du
colonialisme et fière de sa condition.
EAS 2022