Histoire
La Banque
de l'Afrique-Occidentale à Dakar vers 1904.
Une nouvelle entité territoriale, l'Afrique-Occidentale
française, est créée le 16 juin 1895 par l'union du Sénégal, du Soudan
français, de la Guinée et de la Côte d'Ivoire seulement. Le gouverneur général
de l'Afrique-Occidentale française, qui est aussi, dans un premier temps, le
gouverneur du Sénégal, réside à Saint-Louis. Le premier nommé est Jean-Baptiste
Chaudié. Le 29 juillet 1901, la Banque du Sénégal devient la Banque de
l'Afrique-Occidentale. Créée sous forme de société anonyme, elle dispose du
privilège d'émission. La banque avait déjà quitté Saint-Louis pour Dakar. En
1902, c'est la capitale elle-même qui est transférée à Dakar jusqu'à la
dissolution de la fédération. Depuis 1895, c'est le gouverneur du Sénégal qui
assume aussi la fonction de gouverneur général de l'Afrique-Occidentale
française. Après sept années de fonctionnement, il est clair que la charge est
trop lourde, et les deux postes sont alors dissociés. Ernest Roume est le
dernier à avoir cumulé les deux mandats.
Un arrêté de 1903 porte création du système scolaire en
Afrique-Occidentale française et en 1904, un corps d'inspecteurs de
l'enseignement est créé et formé dans ce qui deviendra en 1916 l'École William
Ponty. En 1904 les colonies sont au nombre de six : Sénégal, Haut-Sénégal et
Niger, Mauritanie, Guinée, Côte d'Ivoire, Dahomey. Les troupes noires sont
mises à contribution pendant la Première Guerre mondiale et en 1917 Blaise
Diagne, élu député en 1914, est chargé du recrutement des tirailleurs
sénégalais. En 1919, la colonie de la Haute-Volta nouvellement créée et le
territoire sous mandat du Togo sont rattachés à l'Afrique-Occidentale
française. Symbole de l'avancée coloniale, la ligne du chemin de fer de Dakar
au Niger atteint Bamako en 1923.
L'Exposition coloniale internationale de 1931 au bois de
Vincennes est une manifestation de prestige destinée à montrer la puissance de
l'empire colonial. Avec la reconstitution du temple d'Angkor, la forteresse du
pavillon de l'Afrique-Occidentale française en constitue l'un des clous. Même
si la Grande mosquée de Djenné n'est pas explicitement désignée, bien des
visiteurs pensent la reconnaître dans ce tata monumental aux couleurs du
banco[réf. nécessaire].
En septembre 1940, alors que l'Afrique-Équatoriale française
s'est presque intégralement ralliée à l'unité française de l'armée d'Afrique le
gouverneur général de l'Afrique-Occidentale française Pierre Boisson reste
fidèle au régime de Vichy et fait échouer la tentative de débarquement des
troupes alliées, un affrontement naval connu sous le nom de bataille de Dakar
ou « opération Menace ». Puis à la fin 1942, Boisson annonce son ralliement à
l'amiral Darlan, qui a pris les rênes du pouvoir à Alger après le débarquement
allié en Afrique française du Nord2. Après la mort de Darlan, Boisson demeure
dans le camp du général Giraud. Après la fusion des forces giraudistes et
gaullistes au sein du Comité français de libération nationale,
l'Afrique-Occidentale française se rallie au général de Gaulle.
Un projet de loi tendant à la suppression du travail forcé
en Afrique-Occidentale française est adopté par l'Assemblée nationale le 11
avril 1946 sous le nom de loi Houphouët-Boigny. La même année la loi Lamine
Gueye accorde la citoyenneté à tous les ressortissants de l'Union française qui
vient d'être instituée et abolit le Code de l'indigénat.
La fédération cesse d'exister après le référendum de
septembre 1958 sur la future Communauté française, et les territoires membres
votèrent leur transformation en républiques autonomes, à l'exception de la
Guinée, qui vota pour l'indépendance.
L'indépendance de la Guinée en 1958 et celles des autres
républiques en 1960 marquent la fin de l'Afrique-Occidentale française.
Celle-ci avait une superficie de 4 689 000 km2 et comptait plus de 25 millions
à sa dissolution.
La Côte d'Ivoire, le Niger, la Haute-Volta et le Dahomey
formèrent par la suite l'Union Sahel-Bénin, qui dura peu de temps, et le
Conseil de l'Entente.
Fonctionnement
L'Afrique-Occidentale française était placée sous l'autorité
d'un gouverneur général (plus tard appelé haut-commissaire) dont dépendaient
plusieurs lieutenants gouverneurs. Les frontières de chacune des colonies
composant l'Afrique-Occidentale française étaient négociées avec les puissances
coloniales voisines par des conventions. En cas de voisinage franco-français,
elles étaient définies par décision administrative. Au fur et à mesure de
l'implantation française, le découpage du territoire était géré par des unités
administratives, des cercles et des subdivisions.
Le décret du 1er août 1893, réglant l'organisation politique
et administrative des Rivières du Sud, des établissements français de la côte
d'Or et des établissements français du golfe de Bénin :
Les Rivières du Sud, dotés d'un budget spécial distinct du
budget du Sénégal, mais administrés par le lieutenant-gouverneur du Sénégal,
assisté d'un secrétaire général ;
Deux établissements, ou résidences, dotés de budgets
spéciaux distincts de celui des Rivières du Sud, mais administrés par un
résident et placés sous l'autorité du lieutenant-gouverneur des Rivières du Sud
:
Le décret du 17 octobre 1899, portant réorganisation de
l'Afrique-Occidentale française, supprima la colonie du Soudan français et
répartit son territoire entre trois colonies existantes et deux nouveaux
territoires militaires.
La colonie du Sénégal reçut les onze cercles de Kayes,
Bafoulabé, Kita, Satadougou, Bamako, Ségou, Djenné, Nioro, Goumbou, Sokolo et
Bougouni ; celle de la Guinée française, les six cercles de Dinguiray, Siguiri,
Kouroussa, Kankan, Kissidougou et Beylas ; celle de la Côte d'Ivoire, les trois
cercles ou résidences de Odjenné, Kong et Bouna ; celle du Dahomey, le canton
de Kouala ou Nebba, au sud du Liptako, ainsi que le territoire de Say,
comprenant les quatre cantons de Djennaré, Diongnré, Folmongani et de Botou.
Le premier territoire militaire recouvrit la circonscription
dite « région nord et nord-est du Soudan français », comprenant les six cercles
ou résidences de Tombouctou, Iumpi, Goundam, Bandiagara, Dori et Ouahigouya ;
le second territoire militaire, la circonscription dite « région Volta »,
comprenant les cercles ou résidences de San, Ouagadougou, Léo, Koury, Sikasso,
Bobo Dioulassou et Djebougou.
Aux termes du décret du 1er octobre 1902, portant
réorganisation du gouvernement général de l'Afrique-Occidentale française,
celui-ci comprenait :
Quatre colonies, administrées par un gouverneur, portant le
titre de lieutenant-gouverneur, et assisté par un secrétaire général :
La colonie du Sénégal, dont le territoire était réduit aux «
territoires d'administration directe » ;
Les trois colonies suivantes, maintenues dans leurs limites
existantes : la Guinée française, la Côte d'Ivoire et le Dahomey ;
Un territoire, administré directement par le gouverneur
général ou, par délégation spéciale, par le secrétaire général du gouvernement
général, assisté par un conseil d'administration :
Le territoire de la Sénégambie et du Niger, créé à partir
des territoires du Haut-Sénégal et du Moyen-Niger et des « pays de protectorat
» relevant jusqu'alors du Sénégal.
Aux termes du décret du 18 octobre 1904, portant
réorganisation du gouvernement général de l'Afrique-Occidentale française,
celui-ci comprenait :
Cinq colonies, jouissant de l'autonomie administrative et
financière, et administrées par un gouverneur — portant le titre de
lieutenant-gouverneur — assisté par un secrétaire général :
La colonie du Sénégal, dont le territoire, jusqu'alors
réduit aux « territoires d'administration directe », était étendu aux «
territoires de protectorats » de la rive gauche du Sénégal, relevant
jusqu'alors de la Sénégambie-Niger ;
La colonie du Haut-Sénégal et du Niger, créée à partir des
anciens territoires du Haut-Sénégal et du Moyen-Niger et de ceux formant le
troisième territoire militaire, dont le chef-lie était établi à Bamako,
subdivisée en :
Cercles d'administration civile, comprenant ceux formant,
jusqu'alors le deuxième territoire militaire ;
Territoire militaire du Niger, administré par un officier
supérieur — portant le titre de commandant ;
Les trois colonies suivantes, maintenues dans leurs limites
existantes : la Guinée française, la Côte d'Ivoire et le Dahomey ;
Un territoire civil, ne jouissant pas de l'autonomie
administrative et financière, et administré par un commissaire du gouverneur
général :
Le territoire civil de la Mauritanie
Le décret du 7 septembre 1911, rattachant le territoire
militaire du Niger au gouvernement général de l'Afrique-Occidentale française,
détacha le territoire militaire du Niger de la colonie du Haut-Sénégal et du
Niger, et l'érigea en subdivision administrative placée sous les ordres d'un
officier supérieur, commandant du territoire, et dépendant directement du
gouverneur général.
Le décret du 1er mars 1919, portant division de la colonie
du Haut-Sénégal et du Niger et création de la colonie de Haute-Volta, divisa la
colonie du Haut-Sénégal et du Niger en deux colonies distinctes :
La colonie de la Haute-Volta, dont le chef-lieu était établi
à Ouagadougou, et dont le territoire recouvrait les cercles de Gaoua,
Bobo-Dioulasso, Dédougou, Ouagadougou, Dori, Say et Fada N'Gourna ;
La colonie du Haut-Sénégal et du Niger, dont le territoire
était réduit aux cercles restants.
Un décret du 5 septembre 1932 supprima la colonie de
Haute-Volta et répartit son territoire entre les colonies du Niger, du Soudan
français et de la Côte d'Ivoire. La Côte d'Ivoire reçut les sept cercles de
Ouagadougou, Koudougou, Tenkodogo, Kaya, Gaoua, Batié et Bobo-Dioulasso ainsi
qu'une partie du cercle de Dédougou ; le Soudan français, le cercle de Yatenga
ainsi que l'autre partie du cercle de Dédougou ; le Niger, le Gurma et le
Liptako.
La loi no 47-1707 du 4 septembre 1947, tendant au
rétablissement du territoire de la Haute-Volta, abrogea le décret du 5
septembre 1932 et rétablit la Haute-Volta comme territoire d'outre-mer, membre
de l'Afrique-Occidentale française.
Le découpage est le suivant :
L'Afrique-Occidentale française en 1919.
Fondation
en Superficie Chef-lieu Cercles Population
Sénégal 1854 196 722 km² Saint-Louis-du-Sénégal 15 Wolofs,
Sérères, Diolas, Malinkés, Peuls et Toucouleurs
Soudan 1890 1 241 238 km² Kayes (1892-1899)
Bamako (1899-1958) 21 Touaregs, Bambaras et Sarakholés
Guinée 1891 245 857 km² Conakry 18 Tomas,
Kissi Bagas, Coniaguis, Malinkés, Sossos et de Peuls
Côte d'Ivoire 1893 322 462 km² Bingerville
(1893–1934)
Abidjan (1934–1960) 20
Dahomey 1894 114 763 km² Porto-Novo 12
Mauritanie 1903 1 030 700 km² Saint-Louis (1903–1957)
Nouakchott (1957–1960) 8 Tomas, Kissi Bagas, Coniaguis,
Malinkés, Sossos et de Peuls
Haute-Volta 1919 274 200 km² Ouagadougou 10 Mossi
et Malinkés
Niger 1922 1 267 000 km² Zinder (1922-1926)
Niamey (1926-1960) 12
Dakar et Gorée sont réunies au sein d'une circonscription
spécifique.
La France disposait par ailleurs de deux enclaves dans le
Nigeria britannique : voir enclaves de Forcados et Badjibo.
Une Organisation commune des régions sahariennes partagée
avec le Sud algérien voit le jour en 1957.
Démographie
Voici les chiffres de plusieurs recensements, ceux-ci ne
pouvant être considérés comme précis4 :
1906 : 10 758 000 habitants
1916 : 11 878 000 habitants
1922 : 12 494 000 habitants (hors Togo)
Le The Statesman's Yearbook (en) 1942 donne à la page 937
les chiffres suivants pour la population de 1937 :
Sénégal : 1 666
374
Guinée : 2 065
527
Côte d'Ivoire : 3
981 459
Dahomey : 1 289
128
Soudan français :
3 536 078
Mauritanie : 370
764
Niger : 1 809 576
Total : 14 944 830
Dont 26 614 Européens
Dont 18 188 Français
En 1938, le Togo a une population de 780 000 indigènes et
497 Européens.
L'espérance de vie dans les années 1920 est de 35 ans dans
les villes et 30 ans dans les campagnes.
Secteur agricole
L'économie de l'Afrique-Occidentale française est en grande
partie liée au secteur agricole, au sein duquel la culture de l'arachide joue
un rôle croissant à partir des années 1920, puis des années 1930, et profite de
cours très élevés au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Secteur
minier
Durant l'entre-deux-guerres, la reconnaissance géologique et
le développement minier en Afrique-Occidentale Française affichaient un énorme
retard par rapport aux territoires britanniques de la même région. Il n’existait
pas d’entreprise française pouvant ou voulant s’attaquer à la prospection et à
l’exploitation minière dans cette région mal reconnue et peu équipée.
Néanmoins, certains géologues, tels Jean Malavoy5 ou Fernand
Blondel, avaient un peu fait évoluer les mentalités, en intéressant le milieu
des affaires métropolitain aux immenses richesses minières de cette partie de
l’Empire. De plus, à partir du milieu des années 1930, la perspective d’une
nouvelle guerre entraîna un modeste regain d’intérêt pour les ressources de ces
colonies. Mais la mobilisation de 1939 mit un terme à ce que l’on devait
appeler l’époque héroïque de la prospection minière en AOF. Les missions
d’étude furent démembrées, le matériel abandonné ou rapatrié.
En 1939, la production d'or de l’AOF atteint 4 650 kg de
métal, dont la grande majorité provenait de l’exploitation des alluvions selon
des techniques traditionnelles d’orpaillage en Côte d’Ivoire, au Soudan
français et surtout de la Haute-Guinée6.
La Guinée produit des diamants depuis 1936. Deux ans plus
tôt, un prospecteur avait découvert la première pierre dans le lit de la
rivière Makona. L’essentiel de la production provenait de Macenta, en
Haute-Guinée, ou la Société guinéenne de recherches et d’exploitation minière
(SOGUINEX), firme franco-britannique, exploitait la quasi-totalité des placers
productifs. Seuls 10 à 15 % de la production annuelle de 60 000 carats,
expédiés au Royaume-Uni, étaient destinés à la joaillerie ; le reste était
destiné à une utilisation industrielle.
De l'ilménite, important minerai de titane et, dans une
moindre mesure, de fer, est signalée sur les plages du Sénégal depuis 1931.
L’extraction du titane à partir des dépôts de sables noirs du littoral était
relativement aisée et la production atteint 4 200 tonnes en 1939.
Les premières découvertes de fer dans la presqu’île de
Kaloum en Guinée remontent au début du xxe siècle. Les prospections des années
1930 avaient délimité le gisement de minerai, qui s’étendait sur 35 km de la
ville de Conakry jusqu’au pied du massif de Kakoulima. Les ressources étaient
évaluées à 2 milliards de tonnes de minerai, d’une teneur en fer de 52 %. La
position côtière du gisement, près de la côte, permettait d’évacuer aisément le
minerai, pour peu que l’on relie les mines au port de Conakry par une voie
ferrée.
Les îles de Loos forment un archipel face à la presqu’île de
Kaloum. Les prospections menées par une compagnie américaine dans les années
1920 ont permis de découvrir des gisements de bauxite dont on évaluait les
réserves à 10 millions de tonnes de minerai d’une teneur en alumine de 53 %. La
concession d’exploitation avait été attribuée à la Compagnie des Bauxites du
Midi dès 1932, mais en 1940, celle-ci avait été incapable de mener à bien les
travaux nécessaires.
Avant la Seconde Guerre mondiale, les équipes du Service des
Mines ont mis en évidence les richesses minérales de la Mauritanie. À
Fort-Gouraud, le minerai se présentait sous la forme d’hématites dont la teneur
en fer atteignait 69 % et les réserves étaient estimées à plus de 200 millions
de tonnes. Par ailleurs, Akjoujt produit une grande variété de minéraux depuis
des millénaires. Dès 1931, Jean Malavoy avait signalé des indices de cuivre
dans la région. Au cours des sondages de délimitation menés en 1941, on estima
les réserves à 23 millions de tonnes de minerai sulfuré contenant 500 000
tonnes de cuivre ainsi que des quantités indéfinies d’or et de fer. Mais dès le
départ, les projets mauritaniens se heurtèrent au problème de l’exportation du
minerai. En effet, le port minier le plus proche de Fort Gouraud était
Villa-Cisneros au Sahara espagnol. Il aurait fallu construire 650 km de voie
ferrée pour contourner le Rio de Oro, puis créer ex nihilo un port en eaux
profondes à Nouakchott ou à Port-Étienne pour rendre l’exportation réalisable.
En outre, des problèmes d’alimentation en eau et en électricité se posaient.
L’exploitation minière en Mauritanie ne prit donc réellement corps qu’après la
guerre.