histoire du féminisme
L'histoire du féminisme commence dans la seconde partie du
xixe siècle, lorsque le mot féminisme apparaît sous la plume d'Alexandre Dumas
fils puis sous celle d'Hubertine Auclert. Cependant, dès la fin du Moyen Âge,
des auteurs critiquaient la place accordée aux femmes dans la société. Le discours
féministe, à partir de ce moment, met plusieurs siècles pour s'élaborer et
s'afficher comme un mouvement revendiquant, dans un premier temps, l'égalité
civique et civile des femmes et des hommes puis une libération des femmes du
carcan patriarcal.
À partir donc de cette apparition structurée du féminisme,
son histoire est le plus souvent divisée en trois périodes pendant lesquelles
certaines revendications sont plus mises en avant. Ainsi la première vague se
réfère au xixe et au début du xxe siècle quand les principales revendications
se rapportent au droit de vote, aux conditions de travail et aux droits à
l'éducation pour les femmes et les filles. La deuxième vague (1960-1980)
dénonce l'inégalité des lois, mais aussi les inégalités culturelles et remet en
question le rôle de la femme dans la société. La troisième vague (fin des
années 1980-début des années 2000) est perçue à la fois comme une continuation
de la seconde vague et une réponse à l'échec de celle-ci.
Si ce découpage prédomine dans la critique occidentale - encore que nombre de féministes en France jugent que la troisième vague est propre au mouvement américain - il ne peut être plaqué sur l'histoire du féminisme des autres parties du monde. La littérature sur le sujet tend à délaisser les autres cultures et civilisations alors que des mouvements de défense de droits des femmes apparaissent dès le début du xxe siècle sur les autres continents, d'ailleurs souvent inspirés par les idées occidentales. En fonction de la période, des cultures ou du pays, les féministes, à travers le monde, ont défendu des causes et affiché des objectifs différents. La qualification de féministes pour ces mouvements est sujette à controverse. En effet la plupart des historiens du féminisme, en Occident, s'accordent pour dire que tous les mouvements et tous les travaux accomplis pour obtenir des droits pour les femmes doivent être considérés comme des mouvements féministes même si leurs membres ne se revendiquent pas comme tels, alors que certains historiens pensent que le terme ne doit s'appliquer qu'au mouvement féministe moderne et à ses continuateurs.
Féminisme en Europe
Sous l'influence du code Napoléon, de nombreux textes législatifs européens, au début du xixe siècle, limitent les droits des femmes en Europe et inscrivent dans leur droit national ce qui était auparavant une réalité coutumière, à savoir la soumission naturelle de l'épouse à son mari. Cette politique réactionnaire, après les avancées obtenues lors de la Révolution, explique le repli des féministes43. Par ailleurs, dans le monde anglo-saxon, la fin du siècle est marquée par l'époque victorienne (1873-1901) qui est une ère « domestique » personnifiée par la reine Victoria. La condition féminine dans cette société impose alors une vie centrée sur la famille, la maternité et la respectabilité.
C'est l'idéal féminin qui caractérisait déjà les conduct books (littéralement « livres de conduite ») de Sarah Stickney Ellis (1799-1872) ou de Mrs Beeton (1836-1865). Les féministes du xixe siècle doivent donc réagir non seulement face aux injustices dont elles sont les témoins mais aussi contre cette image, de plus en plus suffocante, imposée par la société. Cependant, dès le début du xixe siècle, quelques hommes et femmes prennent la parole en public, bien qu'il soit difficile de savoir quelle influence ils eurent sur les consciences. Dans ces tentatives de prises de parole, deux formes de féminisme vont émerger et s'opposer. La première est un courant égalitaire qui revendique une amélioration de la condition féminine au nom de l'identité humaine. La seconde, dualiste, constate l'opposition entre les hommes et les femmes et demande le respect des particularités féminines
es et femmes prennent la parole en public, bien qu'il soit difficile de savoir quelle influence ils eurent sur les consciences. Dans ces tentatives de prises de parole, deux formes de féminisme vont émerger et s'opposer. La première est un courant égalitaire qui revendique une amélioration de la condition féminine au nom de l'identité humaine. La seconde, dualiste, constate l'opposition entre les hommes et les femmes et demande le respect des particularités féminines
Féminisme en Occident
C'est la journaliste Martha Weinman Lear qui introduit, pour la première fois, la notion de « vagues » féministes, dans un article du New York Times Magazine de mars 196870. Elle explique qu'une nouvelle vague, la deuxième, relance les combats féministes. Les générations précédentes sont alors rétroactivement incluses dans une première vague. Puis en 1990, l'auteure Rebecca Walker décrète que la nouvelle génération constitue une troisième vague et que cette appellation est meilleure que celle de « féministe post-féministe » utilisée dans un article du New York Times Magazine. Cependant, cette division ne fait pas l'unanimité. En effet des auteures comme Susan Faludi ou Eve Ensler notent la difficulté à catégoriser certaines féministes dans la deuxième ou troisième vague et Jennifer Baumgardner, qui juge que cette notion de vague permet de marquer clairement les moments importants du féminisme, note combien ces nouvelles vagues arrivent de plus en plus vite
Féminisme en Afrique du Nord
Partis clandestins qui s'organisent pour lutter contre l'occupation européenne, des femmes, en très petit nombre au début, trouvent leur place et créent des associations féminines. Ainsi, en Algérie, Mamia Chentouf est responsable de la cellule féminine au sein du Parti du peuple algérien puis elle est une membre active de l'Association des femmes musulmanes algériennes. Au Maroc, Malika El Fassi réclame le droit à l'instruction pour les femmes. Cependant, les revendications féministes sont plutôt tues et passent au second plan derrière la lutte contre la colonisation. Lorsqu'elles expriment des idées proprement féministes, les femmes d'Afrique du Nord se soucient dans un premier temps du mariage et du port du voile islamique. Ces deux thèmes sont liés à d'autres qui intéressent aussi les féministes comme la polygamie, la prostitution et l'éducation des jeunes filles
Féminisme au Moyen-Orient
Au début du xxe siècle, plusieurs mouvements féministes existent dans la région du Moyen-Orient qui s'inspirent des idées développées en Europe. Lorsque les mouvements indépendantistes prennent de l'importance, ces mouvements vont participer aux luttes visant à faire partir les puissances occupantes. Lorsque les nouveaux états se forment, les partis tentent de récupérer les revendications féminines à leur compte. Cependant, les discours officiels d'amélioration de la condition féminine sont le plus souvent en contradiction avec les actions réelles des élus qui cherchent aussi à contenter les opinions conservatrices et religieuses.
Comme elles se retrouvent soumises
au discours étatique qui ne correspond finalement pas à leurs souhaits, les
femmes, à partir des années 1990, défendent leurs idées en participant à des
mouvements indépendants du pouvoir. Il ne s'agit pas à proprement parler de
groupes féministes mais la place de la femme dans la société y apparaît comme
un élément essentiel du discours. Comme au début du xxe siècle les
revendications portent sur l'accès à l'éducation, la représentation des femmes
dans les instances du pouvoir, l'acquisition de nouveaux droits, etc.
Féminisme en Afrique subsaharienne
Les femmes africaines, avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, s'opposent à l'oppression des empires coloniaux et les problèmes propres aux femmes sont soit laissés de côté soit intégrés aux luttes de libération. Les avancées sont exceptionnelles et le droit de vote accordé aux plus riches femmes sierra leonaises dans les années 1930 est unique. En revanche, des femmes luttent couramment au côté des hommes contre l'administration coloniale.
Ainsi, au Sénégal, elles s'opposent au recrutement
militaire durant la Première Guerre mondiale ; en Rhodésie, c'est l'obligation
d'avoir une autorisation pour circuler qui déclenche la colère des femmes et, au
Togo, elles refusent les impôts britanniques. Les Togolaises suivent en cela
l'exemple du Nigeria où, à la fin des années 1920, les femmes en lutte sont
comparées par l'administration aux suffragettes anglaises. Dans les années
1940, des Nigérianes s'organisent en association sous la conduite de Funmilayo
Ransome-Kuti et créent en 1946 l'Abeokuta Women's Union. Comme au Maghreb,
les femmes participent aux luttes pour l'indépendance au sein de partis
clandestins que ce soit au Tanganyika, où se fait particulièrement remarquer
Bibi Titi Mohammed, ou dans les territoires de l'Afrique-Occidentale française
et de l'Afrique-Équatoriale française qui voient se développer un mouvement
transnational, le Rassemblement démocratique africain dans lequel des femmes
comme la Malienne Aoua Keïta ou la Voltaïque Célestine Ouezzin Coulibaly
s'illustrent.
En 1959, dans les pays de l'Afrique de l'Ouest faisant partie de la Communauté française, les diverses associations de femmes se réunissent dans l'Union des femmes de l'Ouest africain qui réclame l'abolition de la polygamie, le droit aux femmes d'hériter de leur mari, la création d'un mariage civil, l'interdiction de la prostitution. Ceci va de pair avec la lutte contre les discriminations et pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Ce féminisme tend à prendre ses distances avec son équivalent occidental, considéré comme une forme de colonialisme. C'est pourquoi, en 1977, à Dakar, est créée l'Association des femmes africaines pour la recherche et le développement qui annonce vouloir « décoloniser le féminisme ». Le terme même de féminisme est critiqué et certaines cherchent à le remplacer. Ainsi, Molara Ogundipe-Leslie utilise le néologisme « stiwanism » qui signifie « social transformation including African Women » (« transformation sociale incluant les femmes africaines ») alors que Calixthe Beyala parle de « féminitude » et que d'autres font référence au « womanism ». Il résulte de cela que le féminisme n'est pas une réalité semblable à celle du monde occidental et une auteure comme l'anthropologue Gwendolyn Mikell peut écrire en 2003 que « le féminisme africain est en train de naître »
Féminisme en Amérique latine
Après les débuts du féminisme en Europe dans la deuxième
partie du xixe siècle, les échanges entre l'Amérique et l'Europe amènent cette
idéologie dans les salons de la bourgeoisie. Toutefois, les traces historiques
des actions féminines sont rares et les débuts du féminisme en Amérique du Sud
sont peu documentées. Cependant, au milieu du xixe siècle, des Brésiliennes
publient des journaux féministes et se plaignent de la domination masculine et
du mariage vu comme une « tyrannie insupportable ». De plus, elles abjurent
leurs lectrices de se battre pour obtenir l'égalité des droits. Par la suite,
à la fin du xixe siècle, des anarcha-féministes font entendre leurs voix en
Argentine. La revendication habituelle de l'accès à l'éducation va de pair
avec celle d'une autonomie financière puis, dans un second temps, avec le droit
de vote. Si celui-ci est refusé, en revanche, les femmes du Mexique, du Brésil,
d'Argentine et du Chili gagnent celui d'accéder à l'université.
Tous ces mouvements propres à chaque pays s'organisent en
collaboration avec ceux d'Amérique du Nord à partir de 1910. Ceci aboutit, en
1922, à la création de la Pan-American Association for the Advancement of Women
qui réclame une meilleure éducation pour les femmes, le droit de vote et
l'égalité. Entretemps, des féministes mexicaines organisent un congrès en
1916. La Pan-American Association for the Advancement of Women a une
existence abrégée par des oppositions entre les féministes des États-Unis et
celles d'Amérique du Sud. Cependant, la volonté d'améliorer les conditions
des femmes dans tous les états américains perdure et elle trouve à s'exprimer
en 1928 lorsque l'Organisation des États américains crée la commission
interaméricaine des femmes. Le droit de vote, pour important qu'il soit,
n'est pas l'unique objet de la lutte, mais il s'inscrit dans une démarche plus
générale pour obtenir des droits égaux à ceux des hommes.
Les années 1960 connaissent un regain de l'action féministe qui participe ainsi à la deuxième vague féministe. Ce sont surtout les femmes des classes aisées qui mènent le combat et ce principalement dans les capitales des pays les plus grands comme le Mexique, le Brésil ou l'Argentine. Les années 1970, en revanche, parce qu'elles sont une période de luttes politiques violentes entre révolutionnaires et états dictatoriaux, ne laissent pas s'exprimer les idéaux féministes : les femmes participent aux combats mais le féminisme est considéré comme un facteur de division. Dans les années 1980, le mouvement féministe renaît et se développe autour de trois axes : indépendance vis-à-vis des partis de gauche, rencontres entre féministes de plusieurs pays d'Amérique latine et tentatives de massification des mouvements dans ce qui a été appelé le « féminisme des secteurs populaires ».
Grâce à cette stratégie, les femmes parviennent à se faire entendre et à concrétiser des revendications. Cependant, des tensions apparaissent entre féministes « pures et dures » (« de huesos colorados ») et féministes des secteurs populaires alors que les soutiens des ONG américaines et européennes ainsi que des institutions telles que l'ONU contrarient certaines qui rejettent une tentative de récupération par des sociétés néolibérales et impérialistes. Entre les féministes autonomes et les institutionnelles, la rupture est consommée dans les années 1990. D'autres facteurs font exploser l'unité du mouvement dans les années 2000, ce qui correspond à la troisième vague féministe. Les lesbiennes participent aux diverses rencontres féministes mais en organisent d'autres consacrées uniquement aux problèmes qui leur sont propres. Par ailleurs, les descendantes des Africaines s'organisent pour combattre le racisme, y compris celui de certaines féministes. Elles sont suivies par les Amérindiennes, ce qui contribue à une radicalisation du mouvement