Education Inclusive Comparée
HANDICAP : UNE SOCIÉTÉ INCLUSIVE ?
Introduction
L’inclusion sociale des personnes handicapées est un sujet qui prend beaucoup d’ampleur dans notre société depuis plusieurs années : colloques, conférences, articles de revues… Il y a une réelle pression des familles et des associations et du monde politique en faveur de l’inclusion des personnes handicapées. Dans ce sens, la convention de 2009 relative aux droits des personnes handicapées reconnait ces personnes comme des citoyens à part entière ayant les mêmes droits et libertés que tout un chacun. Cette convention « a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque. Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres.[1] ». L’inclusion est une valeur prônée par cette convention ratifiée par la Belgique le 23 mars 2009. Dans cette optique d’accueil de la différence, d’ouverture et d’égalité entre tous, quelle est la place des personnes handicapées dans notre société aujourd’hui ?
Les personnes handicapées ont leur place dans notre société qui doit s’adapter, s’ouvrir à la différence pour être plus inclusive. Quelle adaptation de la société à chacun ? Quelle sensibilisation au handicap pour permettre l’inclusion effective des personnes handicapées ?
L’inclusion des
personnes handicapées est à penser à tous les niveaux : éducation,
travail, sport, culture… Dans notre société actuelle, qu’est ce qui est fait
pour l’intégration des personnes handicapées en matière d’emploi, de lieux de
vie, d’accessibilité des lieux publics, d’activités de loisirs… ? Quels
avantages peuvent retirer le citoyen lambda d’une société inclusive ?
Quels termes utiliser ?
Handicap
Pour parler des
personnes handicapées, les termes sont nombreux et les nuances sont
fines : personnes handicapées, personnes ayant un handicap, personnes en
situation de handicap, élèves à besoins spécifiques… Il y a aussi des
désignations selon le type de handicap dont la personne est affectée :
personne à mobilité réduite, aveugle, malvoyant, sourd, malentendant, trisomique…
Différentes appellations sont possibles et nous n’avons pas toujours la même
définition de ces mots. Parmi ces appellations, qu’est ce qui est respectueux
de ces personnes ? Il semble fondamental de ne pas limiter la personne à
son handicap et de pouvoir penser et voir les qualités, les capacités, les
compétences de ces personnes qui sont avant tout des êtres humains à part
entière. C’est bien pour cela que l’on parle avant tout de personne handicapée
et non d’handicapé. On n’est pas réduit à son handicap.
Inclusion
A ce sujet aussi les termes sont multiples et leur utilisation aura une influence sur la façon de penser les choses et la mise en place d’actions concrètes.
Intégrer, c’est partir de la personne et susciter sa participation active. « Quand nous parlons d’intégration, il s’agit d’un mouvement induit par les personnes avec un handicap et leur entourage pour rejoindre la vie sociale ordinaire. L’intégration se heurte souvent à une crainte des milieux d’accueil, par un manque de connaissances à propos du handicap»
Inclure, c’est inscrire la personne dans le tissu social sans chercher d’uniformité mais plutôt en visant l’adaptation de l’environnement pour l’accueillir. « L’inclusion est un principe idéal qui nous permettrait de croire que toutes les personnes différentes auraient accès à tous les services ordinaires avec un accueil personnalisé et le soutien adapté».
Une société inclusive
s'adapte à tous ses citoyens et non l'inverse, en tenant compte des
spécificités de chacun car nous sommes tous des êtres singuliers. Elle est à
construire ensemble, petit à petit. Elle génère de l'entraide, du partage, de
la solidarité… pour le plus grand bénéfice de tous.
Des bénéfices pour tous
Déjà, une grande part de la population est concernée par ce qui touche au handicap : « sur une population mondiale de 7 milliards, plus d'un milliard est en situation de handicap. Si l’on inclut les membres de leur famille -parents, fratries, conjoints- quotidiennement impliqués, plus d’un tiers des habitants de la planète se trouve donc concerné de façon directe ou indirecte». Ces personnes sont donc sensibles à une reconnaissance et une meilleure considération d’eux-mêmes et de leurs proches au sein de notre société.
Penser une société inclusive, c’est respecter les personnes handicapées et donner leur juste place à ces familles. C’est aussi respecter chaque citoyen dans sa spécificité. Comment permettre l’acceptation et la prise en compte des compétences et faiblesses de chacun dans notre société individualiste visant la performance ?
Concevoir une société inclusive, c’est reconnaitre que « Chacun est héritier de ce que la société a de meilleur et de plus noble. Personne n’a l’apanage de prêter, de donner ou de refuser ce qui appartient à tous. (…) Chaque citoyen a un droit égal à bénéficier de l’ensemble des biens sociaux, qui se définissent par leur communalité: la ville, les transports, les espaces citoyens, les salles de cinéma, les bibliothèques, les structures de sport et de loisirs, etc. Nos savoirs, notre culture, nos ressources artistiques font partie de ce capital collectif tramé de fils de couleurs multiples et indémêlables»
Dans une société
inclusive, l’ouverture, la tolérance, l’acceptation des différences et des
faiblesses personnelles, le respect de chacun, l’entraide et la solidarité sont
des valeurs essentielles. Les adaptations et ressources disponibles peuvent
être bénéfiques pour tout un chacun. Par exemple, une accessibilité de lieux
publics peut servir quelqu’un qui se retrouve la jambe dans le plâtre suite à
un accident ou une clarification de l’information servira à tous. « Les
accommodements ne se limitent pas à une action spécifique pour des groupes
tenus pour spécifiques. Ils visent à améliorer le mieux-être de tous. Qu’ils
soient architecturaux, sociaux, éducatifs, pédagogiques, professionnels ou
culturels, les plans inclinés sont universellement profitables. Ce qui est
facilitant pour les uns est bénéfique pour les autres. Une société inclusive
n’est pas de l’ordre d’une nécessité liée au seul handicap: elle relève d’un
investissement global. Ce qui prime est l’action sur le contexte pour le rendre
propice à tous, afin de signifier concrètement à chaque membre de la société:
«Ce qui fait votre singularité ne peut vous priver du droit de jouir de
l’ensemble des biens sociaux. Ils ne sont la prérogative de personne»
Des lignes d’actions
Nous avançons sur le chemin de l’inclusion, mais il y a encore des changements sociétaux à effectuer pour une société plus inclusive.« Beaucoup d’Européens, des personnes handicapées en particulier, ne peuvent aujourd’hui participer sur un pied d’égalité à des activités et aspects importants de la vie en société, simplement parce que la politique, la société et l’environnement ne sont pas conçus pour répondre à leurs besoins»
Pour une société plus
inclusive, comme présenté dans son article 3, les principes de la Convention
relative aux droits des personnes handicapées sont « le respect de
la dignité intrinsèque, de l’autonomie individuelle, y compris la liberté de
faire ses propres choix, et de l’indépendance des personnes; la
non-discrimination; la participation et l’intégration pleines et
effectives à la société; le respect de la différence et l’acceptation
des personnes handicapées comme faisant partie de la diversité humaine et de
l’humanité; l’égalité des chances; l’accessibilité; l’égalité
entre les hommes et les femmes; le respect du développement des
capacités de l’enfant handicapé et le respect du droit des enfants
handicapés à préserver leur identité. »
Le respect de l’autonomie individuelle des
personnes handicapées
Un soutien à la personne handicapée passe non seulement par le respect de son droit à l’autonomie et l’indépendance mais aussi par différents moyens pour mettre en pratique le respect de ce droit. Comment mettre en place ces moyens ? Cela doit-il être réservé aux services dont c’est dans les missions d’accompagner les personnes handicapées ? Faudrait-il soutenir les services publics pour une prise en compte du handicap ?
Les services d’aide précoce, les services d’aide à l’intégration et les services d’accompagnement á l´exemple de l’Agence Wallonne pour l’Intégration des Personnes Handicapées (AWIPH) ont un rôle important à jouer auprès des personnes handicapées et de leurs familles. C’est dans leurs missions de les accompagner dans l’élaboration de projets personnels en vue d’une plus grande autonomie.
De leur côté, avec un minimum d’ouverture et d’adaptation, les différents services publics pourraient considérer les personnes handicapées comme les autres, tout en reconnaissant leurs difficultés et leurs besoins spécifiques et en y apportant les réponses les plus adaptées possibles. Il semblerait dans ce sens judicieux de penser une préparation, une formation visant une prise en compte du handicap dans ces différents lieux.
L’idéal est de mettre la personne au centre et de partir de ses compétences et projets pour ensemble, à ses côtés, y donner sens. Les personnes handicapées savent quels aménagements peuvent leur servir. Il est important de construire leur projet avec eux et non de parler sur eux. Par exemple, une personne sourde faisant des études supérieures saura dire si elle a besoin de la présence d’un traducteur en langue des signes en classe ou si un syllabus ou des notes complètes lui suffiront.
La participation pleine et effective des
personnes handicapées
Un point essentiel est effectivement la participation sociale et citoyenne des personnes handicapées qui ont les mêmes droits et libertés que tout un chacun, sont des citoyens à part entière. Un élément important à ce niveau serait une communication et une information accessible, utilisable par tous pour exercer une citoyenneté responsable. Dans ce sens, les personnes handicapées réclament une ouverture de la société et des adaptations (lieux, information…) pour leur permettre une participation active à la vie politique, culturelle et publique. N’est-ce pas une évidence de permettre à tout citoyen cette participation pleine et active?
Le respect de la différence
Le regard sur la différence, les stéréotypes et la peur sont des obstacles à l’inclusion des personnes handicapées mais le handicap ne doit pas être un empêchement pour apprendre à se connaitre et participer ensemble à une société plus inclusive. Des changements importants seraient à porter : développer un regard ouvert et bienveillant envers les personnes handicapées, permettre la rencontre et les échanges entre personnes valides et personnes handicapées pour s’enrichir de nos différences. Cela s’inscrit dans une stratégie globale de réduction des inégalités, de non-discrimination, d’ouverture à l’autre et de prise en considération de la diversité.
Dans ce sens, l’intégration scolaire et l’inclusion dès le plus jeune âge sont source d’ouverture et d’acceptation de la différence. Au plus tôt le citoyen lambda est confronté à la différence, au plus facilement il pourrait la considérer comme partie intégrante de la société et donc l’accepter et la respecter vu les valeurs associées inculquées et développées par la rencontre d’enfants handicapés en crèche, en classe ou dans des activités de loisirs. Miser sur les jeunes semble être une stratégie durable pour une société inclusive. « Les enfants et les jeunes handicapés et non handicapés sont l’avenir de la société. Ils doivent pouvoir grandir ensemble. Les enfants non handicapés apprendront tout naturellement à connaitre la différence, à vivre avec elle et à la respecter. Ils seront les acteurs et les garants d’une société valorisant la diversité». Qu’ils apprennent à se connaitre pour combattre la peur, reconnaitre et accepter la différence.
La diversité des
identités et appartenances recouvre le handicap mais aussi le genre, l’âge, la
classe sociale, l’origine culturelle… L’inclusion concerne tous les membres de la
société. S’ouvrir et apprendre à connaître l’autre est essentiel pour grandir
et vivre ensemble au sein de notre société.
L’égalité des chances
L’égalité des chances
est à penser en invoquant le principe d’équité qui demande une adaptation des
moyens aux différences et aux besoins de chacun. Par exemple, assurer l’égalité
des chances d’une personne sourde qui souhaite poursuivre des études
supérieures, c’est lui permettre la présence d’un traducteur en langue des
signes aux cours et/ou lui fournir des notes prises par d’autres étudiants. Ce
qui semble important pour une insertion sociale réussie, c’est d’accueillir la
personne dans sa différence, avec ses envies et ses compétences, que ce soit au
niveau de la formation, de l’emploi.
L’accessibilité aux lieux et à l’information
Quand on parle d’accessibilité, on pense d’abord environnement et lieux publics mais il faut aussi penser l’accessibilité de l’information. Il faudrait agir et adapter l’environnement pour permettre aux personnes handicapées d’être avec les autres et de développer l’ensemble de leurs capacités. L’accessibilité et les adaptations sont à penser en matière de scolarité, d’emploi, de transport, de logement etc.
Par exemple,
concernant l’accessibilité des lieux, pour une personne en fauteuil roulant, la
présence d'une ou de plusieurs marches lui rend l'accès impossible à certains
lieux. Des lieux de plein pied, une rampe inclinée ou un ascenseur peut lui
donner accès à différents lieux. L’accessibilité à l’information peut prendre
différentes formes. Pour une personne malvoyante, il sera nécessaire de lui
fournir un texte en grands caractères sur un fond contrasté. Pour un aveugle,
ce texte devrait être converti en texte parlé, ou en braille. Pour une personne
malentendante qui regarde la télévision, il sera nécessaire qu'il y ait un
sous-titre ou un traducteur en langue des signes.