Les savoir-faire africains sont très peu protégés. Un exemple l’illustre : pendant plus de quinze ans, une entreprise hollandaise s’est approprié un brevet en Europe sur la farine de teff, une céréale de l’alimentation ancestrale provenant de l’Érythrée et de l’Éthiopie, et ce malgré les protestations des sociétés civiles.
Afin que cela ne se reproduise plus, il convient de fournir aux créateurs une compensation et de garantir que leurs innovations soient créditées.
Les droits de propriété intellectuelle remplissent cet objectif. Selon le rapport de l’OCDE publié en 2019, les 2 000 premiers investisseurs mondiaux en R&D possèdent près de deux tiers des brevets déposés auprès des plus grands offices de propriété intellectuelle du monde, participant au développement socio-économique des pays. C’est pourquoi des politiques solides en matière de droits de propriété intellectuelle nécessitent fondamentalement d’être mises en place.
Deux systèmes de protection de la propriété intellectuelle cohabitent sur le continent africain. Les pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest ont un système de protection de la propriété intellectuelle similaire à celui du Benelux : un enregistrement unique peut être obtenu pour un même groupe de pays. Ces États forment ensemble l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI). Une seule demande est suffisante pour obtenir la protection d’une marque dans tous les pays affiliés à l’OAPI.
Les pays d’Afrique de l’Est ont, quant à eux, un système commun inspiré du système de Madrid. Le système administratif est commun, mais la protection est réglementée au niveau national. Ce système d’Organisation régionale africaine de la propriété industrielle est appelé Aripo.
Selon les conclusions de la Banque africaine de développement (BAD), la promotion d’une innovation fortement intégrée dans l’industrie des États qui protègent la propriété intellectuelle participe à l’augmentation de la croissance sur le moyen terme.
Pour l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (WIPO), la propriété intellectuelle désigne l’ensemble des créations de l’esprit : inventions, œuvres littéraires et artistiques, symboles, noms, images et dessins qui sont utilisés dans le commerce.
Dans une économie mondialisée, l’innovation, la créativité et la propriété intellectuelle peuvent stimuler la croissance économique, le commerce et l’emploi. Aujourd’hui, la compétition par l’innovation est beaucoup plus importante que par le passé et la propriété intellectuelle permet de traduire ce savoir-faire en avantage concurrentiel.
Concrètement, pour des pays comme le Cameroun qui aspirent à faire reculer la pauvreté et à accroître leurs revenus, l’innovation est un enjeu majeur. Les créateurs doivent être en mesure de sécuriser leurs investissements, sinon ils ne créeront tout simplement plus. Personne ne prendra le risque de financer un produit qui risque d’être copié sans contrôle.
LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ÉTABLIT UN CADRE JURIDIQUE SÛR POUR L’INVESTISSEMENT
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 90 % des aliments d’Afrique subsaharienne sont produits à l’aide de pratiques agricoles coutumières. Si ces connaissances sont saisies et protégées correctement, elles pourraient favoriser une innovation considérable à forte portée économique.
La propriété intellectuelle établit un cadre juridique sûr pour l’investissement. Elle permet aux entreprises, y compris les jeunes pousses innovantes, de transformer leur idée en un produit commercialement viable et d’affronter avec succès la concurrence sur le marché mondial, tout en préservant l’intérêt public.
Encadrer l’innovation par des brevets, c’est le défi à relever pour les décideurs. La propriété intellectuelle doit se développer et se structurer davantage sur le continent, notamment par un renforcement des capacités et la création de cadres réglementaires. L’objectif désormais est de mettre ces outils au service des économies nationales.
C’est notamment ce que souligne l’indice de la propriété intellectuelle publié en 2017 rappelant que les économies dotées d’une solide protection dans le domaine voient 80 % de plus de productions fondées sur la connaissance, la technologie et la créativité ; 68 % des pays sont plus susceptibles d’avoir un climat des affaires favorable ; et 40 % ont plus de capacités à générer de la valeur à partir des TIC.
Des chiffres qui montrent qu’il est plus que jamais nécessaire de réfléchir à la manière dont les idées peuvent être utilisées de manière rentable.