Le récit court et comportant une morale

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09 April 2021
Dans la littérature, il existe de nombreux genres de textes allant du roman à la pièce de théâtre en passant par la poésie. La fable est un genre à part entière d'écrit puisqu'elle possède ses propres codes que les auteurs, appelés fabulistes, ont utilisé pour créer des recueils impressionnants de textes. Le genre fabuliste s'est beaucoup développé durant l'époque moderne par le biais de l'un des écrivains français les plus célèbres, Jean de La Fontaine, mais il existait depuis longtemps car les Grecs anciens pratiquaient déjà cet art du récit court comportant une morale.

La fable, qu'est-ce que c'est ?

"L'apologue est composé de deux parties, dont on peut appeler l'une le corps, l'autre l'âme. Le corps est la fable ; l'âme, la moralité. [...] Du temps d'Ésope, la fable était contée simplement ; la moralité séparée et toujours ensuite. Phèdre est venu, qui ne s'est pas assujetti à cet ordre : il embellit la narration, et transporte quelquefois la moralité de la fin au commencement" - Jean de la Fontaine, Préface aux Fables

Le mot français fable vient du latin fabula (créé à partir du verbe fari, "parler", "raconter"), qui désigne une fiction, un récit, et plus particulièrement, comme genre littéraire, un court récit en vers ou en prose, avec, en sa conclusion, une morale, ou moralité. La fable a pour synonyme l'apologue (du grec apologuos : "fable"), lui aussi bref récit servant à illustrer un enseignement moral, une leçon de sagesse ou une règle de conduite.

La tradition de la fable remonte aux temps les plus anciens, avec notamment, au III° siècle, en Inde, les fables d'un auteur légendaire nommé Pilpay, ou Bidpaï. Antérieurement, dans la Grèce antique, on connaît les fables d'Ésope (VI°siècle avant J.-C.), et, à Rome, le fabuliste latin Phèdre (I°siècle), qui reprend la tradition et les motifs d'Ésope.

Le nom d'Ésope a donné au Moyen Âge un nouveau terme pour désigner la fable : l'ysopet (par exemple les Ysopets composés par Marie de France au XII°siècle). Au XIV°siècle, on publie des recueils de fables illustrés appelées emblèmes (les Emblesmes de Guillaume Guéroult) : pour chaque fable, ou emblème, il y a d'abord un titre, puis une image ou gravure illustrant le titre, puis un court récit en vers et enfin une moralité.

En France, le genre de la fable trouve son apogée au XVII°siècle avec Jean de La Fontaine, qui puise sa matière et ses thèmes chez Ésope et Piplay, ainsi que dans les ysopets du Moyen Âge et dans les emblèmes de la Renaissance. Après La Fontaine, le poète Florian s'illustre aussi dans le genre au XVIII°siècle.

Et la fable reste encore vivante au XIX° avec le spirituel et facétieux Alphonse Allais, ou, au XX° , avec les Fables de Jean Anouilh, les Innocentines de René Obaldia, ou les réécritures moqueuses de la Cigale et la Fourmi (qui devient, chez Françoise Sagan, la Fourmi et la Cigale, et chez Raymond Queneau, la Cimaise et la Fraction).

Les grands thèmes des fables

La fable, généralement, s'occupe du monde animalier (et c'est alors, comme dans Le Renard et la Cigogne, une allégorie où les animaux parlent et se comportent comme des humains), ou bien des éléments de la Nature (Le Chêne et le Roseau). C'est à travers ces prismes que la fable représente le microcosme humain, où s'opposent envie et gratitude, vanité et humilité, justice et injustice...

La fable enseigne un art de vivre, certes, mais surtout un art de survivre dans un monde fait de cruauté (où "La raison du plus fort est toujours la meilleure", comme nous le dit La Fontaine dans Le Loup et l'Agneau). Ainsi, La Ferme des Animaux (1945), de George Orwell, est une fable (en forme de roman).

Sous l'apparence d'un bestiaire animalier (l'âne, la vache, le cochon...), elle brosse un tableau effrayant du pouvoir, du monde politique, de la tyrannie et du fascisme, et dont on retient cette leçon, en guise de moralité :

"Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres"

L'un des traits principaux de la fable est qu'elle se termine toujours par une morale claire et précise. Elle conclut le récit et l'histoire entre les personnages, mais surtout, elle ouvre la porte à une réflexion sur la société et les mœurs. En effet, la plupart des fables visent directement la société contemporaine de l'auteur qui les écrit.

La fable peut également être plus philosophique : c'est le cas chez Ésope par exemple. Ainsi, la morale peut exprimer la sagesse des Grecs ou celle des auteurs modernes, qui sont beaucoup sur l'équilibre et la modération des désirs. Le thème peut également être le sens de la vie ou bien la mort.

Les auteurs célèbres de fables

Quels sont les grands auteurs des fables ?Entre auteurs grecs et français, le genre de la fable est très bien représenté en Europe !

Les auteurs grecs et romains : Hésiode, Ésope, Phèdre, Ovide

La fable prend ses origines en Grèce ancienne. Le premier auteur considéré comme fabuliste est Hésiode, qui dans sa Théogonie et son Les Travaux et les Jours, raconte les aventures des dieux et des Hommes et livre une certaine vision du monde et de la société humaine.

Vient ensuite Ésope, considéré comme le véritable père de la fable, au moins dans sa forme. Il écrivit de nombreuses fables et sa vie est le cadre d'une légende dans laquelle il utilise ces textes pour accomplir diverses actions. Il inspira notamment Phèdre et, bien plus tard, Jean de La Fontaine et Perrault.

Enfin, des auteurs latins se sont aussi essayés à l'art de la fable. Parmi eux, Ovide et Phèdre font bonne figure. Le premier raconte les aventures des dieux et héros sous la forme de récits fabuleux en vers tandis que le second créa de nombreuses fables et récrivit certaines des plus célèbres d’Ésope au cours de sa vie.

Les auteurs français modernes : Jean de La Fontaine, Charles Perrault, Fénelon

Les auteurs français de l'époque moderne sont les plus célèbres lorsqu'il s'agit des fables. Le plus connu est sans aucun doute Jean de La Fontaine, qui avec pas moins de 240 fables éleva ce genre au statut d'art à part entière en s'inspirant des auteurs grecs et latins. Ses plus connues sont Le Cigale et la Fourmi ou encore Le Lion et le Rat.

A ses côtés, d'autres auteurs de l'époque moderne se sont aussi distingués dans l'art de la fable. Parmi eux, Charles Perrault, auteur connu pour ses contes mais qui écrit aussi des fables, et Fénelon, homme d'Eglise et pédagogue qui écrivit de nombreuses fables en parallèle de ses œuvres romanesques telles que Les Aventures de Télémaque.

Parmi les fables de Charles Perrault, nous pouvons citer :

  • Le Coq et le Diamant,
  • Le Singe et le Chat,
  • Le Renard et les Raisins,
  • L’Aigle et le Lapin,
  • Le Loup et le Porc-épic,
  • le Paon et le Geai,
  • Le Milan et les Oiseaux,
  • Le Singe Roi,
  • Le Renard et le Bouc,
  • Le Conseil des Rois,
  • Le Serpent à plusieurs têtes.

Enfin, voici un tableau récapitulatif des grands fabulistes et de certaines de leurs œuvres :

Quelques fables connues

De quoi se compose une fable en littérature française ?Il est fort probable que vous ayez eu à apprendre une fable de La Fontaine étant enfant ! (source : Youtube)

Voici quelques fables des plus grands fabulistes de l'histoire, avec bien évidemment une préférence pour le maître du genre, Jean de La Fontaine, mais sans oublier les auteurs antiques ainsi que modernes qui ont participé à la renommée de ce genre littéraire.

Les Hommes et Zeus, Ésope

"On dit que les animaux furent façonnés d’abord, et que Dieu leur accorda, à l’un la force, à l’autre la vitesse, à l’autre des ailes ; mais que l’homme resta nu et dit : « Moi seul, tu m’as laissé sans faveur. » Zeus répondit : « Tu ne prends pas garde au présent que je t’ai fait, et pourtant tu as obtenu le plus grand ; car tu as reçu la raison, puissante chez les dieux et chez les hommes, plus puissante que les puissants, plus rapide que les plus rapides. » Et alors reconnaissant le présent de Dieu, l’homme s’en alla, adorant et rendant grâce.

Tous les hommes ont été favorisés de Dieu qui leur a donné la raison ; mais certains sont insensibles à une telle faveur et préfèrent envier les animaux privés de sentiment et de raison"

Le Chien et le Crocodile, Phèdre

"Ceux qui donnent de mauvais conseils aux gens sages perdent leur temps, et font rire d’eux.

On dit que les chiens ne boivent l’eau du Nil qu’en courant, de peur d’être saisis par les Crocodiles. Un Chien donc courait, et. commençait à boire, lorsqu’un Crocodile lui dit : « Bois à loisir, et ne crains rien. — Certes je le ferais, repartit le Chien, si je ne te savais très friand de ma chair"

L'Abeille et la Mouche, Fénelon

"Un jour une abeille aperçut une mouche auprès de sa ruche. Que viens-tu faire ici ? lui dit-elle d'un ton furieux. Vraiment, c'est bien à toi, vil animal, à te mêler avec les reines des airs ! Tu as raison, répondit froidement la mouche, on a toujours tort de s'approcher d'une nation aussi fougueuse que la vôtre. Rien n'est plus sage que nous, dit l'abeille ; nous seules avons des lois et une république bien policée ; nous ne cueillons que des fleurs odoriférantes ; nous ne faisons que du miel délicieux, qui égale le nectar. Ôte-toi de ma présence, vilaine mouche importune, qui ne fait que bourdonner et chercher ta vie sur les ordures. Nous vivons comme nous pouvons, répondit la mouche; la pauvreté n'est pas un vice, mais la colère en est un grand. Vous faites du miel qui est doux, mais votre cœur est toujours amer; vous êtes sages dans vos lois, mais emportées dans votre conduite. Votre colère, qui pique vos ennemis, vous donne la mort,et votre folle cruauté vous fait plus de mal qu'à personne. II vaut mieux avoir des qualités moins éclatantes avec plus de modération"

Le Singe Juge, Charles Perrault

"Un Loup et un Renard plaidaient l'un contre l'autre pour une affaire fort embrouillée. Le Singe qu'ils avaient pris pour Juge, les condamna tous deux à l'amende, disant qu'il ne pouvait faire mal de condamner deux aussi méchantes bêtes.
Quand deux amants en usent mal, Ou que l'un et l'autre est brutal, Quelques bonnes raisons que chacun puisse dire
Pour être préféré par l'objet de ses voeux La Belle doit en rire Et les chasser tous deux"

La Cigale et la Fourmi, Jean de La Fontaine

"La cigale ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’août, foi d'animal,
Intérêt et principal.
La Fourmi n'est pas prêteuse,
C'est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Nuit et jour à tout venant,
Je chantais, ne vous déplaise.
Vous chantiez ? j'en suis fort aise,
Eh bien! dansez maintenant"

La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf, Jean de La Fontaine

"Une Grenouille vit un Bœuf,
Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n’était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s’étend, et s’enfle et se travaille,
Pour égaler l’animal en grosseur ;
Disant : Regardez bien, ma sœur,
Est-ce assez ? dites-moi ? n’y suis-je point encore ?
Nenni. M’y voici donc ? Point du tout. M’y voilà ?
Vous n’en approchez point. La chétive pécore
S’enfla si bien qu’elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout Bourgeois veut bâtir comme les grands Seigneurs ;
Tout petit Prince a des Ambassadeurs :
Tout Marquis veut avoir des Pages"

Le Lion et le Rat, Jean de La Fontaine

"Il faut autant qu’on peut obliger tout le monde.
On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
De cette vérité deux Fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d’un Lion,
Un Rat sortit de terre assez à l’étourdie.
Le Roi des animaux en cette occasion
Montra ce qu’il était, et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu'un aurait-il jamais cru
Qu’un Lion d’un Rat eût affaire ?
Cependant il advint qu’au sortir des forêts,
Ce Lion fut pris dans des rets,
Dont ses rugissemens ne le purent défaire.
Sire Rat accourut ; et fit tant par ses dents,
Qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage"