Sur les 165 mandats parlementaires, 73 ont échu à des femmes.
Le Sénégal, volontiers considéré comme un État de droit et un îlot de
stabilité dans une région agitée, se classe au 4e rang en Afrique et au
18e rang mondial pour la parité hommes-femmes au Parlement, devant la
Suisse, la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis, selon l'Union
interparlementaire, une organisation basée à Genève.
Mais il reste du chemin à parcourir sur la voie de l'égalité dans un
pays où attitudes et lois patriarcales sont profondément enracinées.
Plus de femmes dans le champ politique
Aminata Touré a été Première
Ministre pendant dix mois entre 2013 et 2014 et a occupé le poste de
présidente du Conseil économique et social, ce qui a fait d'elle l'un
des plus hauts personnages de l'État. Elle entre au Parlement pour le parti présidentiel. Mais elle fait observer qu'en politique les pionnières rencontrent toujours résistance et suspicion. « On vous a beaucoup plus à l'œil, ils ne vous pardonnent aucune erreur », dit-elle à l'AFP. « Je crois que toutes les femmes de pouvoir vous diraient la même chose. »
Au
Sénégal, une loi de 2010 exige la « parité absolue » entre les sexes
dans toutes les institutions électives, avec des listes de candidats
alternant hommes et femmes. En-dehors du Sénégal,
sur les 111 postes de parlementaire ou de ministre pourvus en Afrique
de l'Ouest et au Sahel entre décembre 2021 et juin 2022, seuls 15 l'ont
été par des femmes, indique un rapport récent de l'ONU.
Comme
les têtes de liste sont presque toujours des hommes et que le nombre de
candidats élus sur une même liste est souvent impair, la représentation
féminine reste inférieure à 50 %, explique une porte-parole de
l'Assemblée nationale. Et les progrès réalisés ces dernières années sont contrebalancés par les réalités du pouvoir et les forces d'inertie sociales.
Des attentes fortes sur de nombreux sujets
Au-delà
de la représentation politique, le Sénégal arrive au 130e rang sur 189
dans un classement de l'ONU sur l'égalité des genres.
La forte présence à l'Assemblée nationale « permet aux femmes d'avoir
leur mot à dire », sur le budget et sur leurs préoccupations, dit
l'ancienne cheffe de gouvernement Aminata Touré.
La part que le nouveau Parlement fera à ces préoccupations est
incertaine alors que les défis sont nombreux, notamment concernant les
sujets sociétaux. Pour exemple, le Sénégal n'a criminalisé le viol qu'en 2020.
Le protocole de Maputo, une initiative de l'Union africaine qui vise à
élargir l'accès à l'avortement et que le Sénégal a ratifiée en 2005,
attend toujours d'être pleinement retranscrit dans la loi nationale. L'avortement n'est autorisé au Sénégal que pour sauver la vie d'une femme enceinte. En 2020, un quart de la population carcérale féminine était emprisonné pour des faits liés à l'avortement, selon l'ONG Africa Check. L'âge légal du mariage est de 16 ans pour les filles, 18 ans pour les garçons.
« Il devrait être porté à 18 ans pour que les filles puissent continuer
d'aller à l'école et qu'elles soient sur un pied d'égalité avec les
garçons en termes de droits », dit Maimouna Yade, responsable de l'organisation de femmes JGEN. « Il y a tellement de choses à faire », dit Mame Diarra Fam, nouvelle parlementaire d'opposition. Elle évoque les violences faites aux femmes, l'éducation des filles et l'accès aux soins. La loi criminalisant le viol a « largement été poussée » par des femmes députées, dit la militante Maimouna Yade.
Les
défenseurs des droits reconnaissent les avancées réalisées ces
dernières années, comme la loi sur la parité ou la loi de 2013
permettant aux Sénégalaises mariées à des étrangers de transmettre leur
nationalité à leurs enfants, un droit dont jouissaient déjà les
Sénégalais.
Le président Macky Sall devrait nommer prochainement un Premier ministre et un nouveau gouvernement sera formé. Les avocats de la cause des femmes observeront attentivement la place faite à ces dernières. Aminata Touré fait partie de ceux qui plaident pour que la parité soit appliquée au gouvernement et au secteur privé. La société civile fait campagne pour que, pour la première fois, le président de l'Assemblée nationale soit une présidente. « On espère qu'une femme sera à la tête du Parlement », dit Coumba Gueye, secrétaire exécutive de l'Association des avocates sénégalaises. « Avec une femme, beaucoup de choses peuvent changer. ».
Le POINT Afrique.