Les Almoravides du Sénégal au Tage Empire
Empire Almoravide
L'installation des arabes musulmans, peuple nomade, sur le continent africain est l'un des événements les plus importants de son histoire. La conquête du Maghreb achevée au VIIIe siècle, les arabes parcourent le Sahara pour atteindre l'or du Soudan. Les Berbères sahariens à leur contact se convertissent à l'islam. Le mouvement almoravide prend naissance au Sahara occidental, en milieu berbère islamisé.
Naissance du mouvement almoravide
Les Arabes prennent conscience de l'importance des relations entre le Maghreb et le Soudan considéré comme le pays de l'or. Les nomades chameliers traversent le Sahara sans difficulté et font creuser des puits le long des routes commerciales.
Ils fondent en 757, Sidjilmassa, "port" caravanier au Sud du Maroc, tourné vers le Sahara. A leur contact, les Berbères-sahariens s'arabisent progressivement. Ce sont des nomades éleveurs et commerçants qui assurent à travers le Sahara occidental les liaisons entre l'Afrique méditerranéenne et le monde noir. Ils échangent les produits du Nord: sel, cuivre... contre ceux du Sud: or, ivoire, esclaves...
Selon l'historien arabe du XIe siècle, El Bekri " ces nomades parcourent une contrée qui s'étend l'espace de deux mois tant en longueur qu'en largeur et qui sépare le pays des noirs des terres d'islam... ils ne labourent ni n'ensemencent la terre et ne connaissent pas l'usage du pain... toutes leurs richesses consistent dans leurs troupeaux et leur nourriture se compose de viande et de lait... leur boisson est le lait qui les dispense de l'usage de l'eau..."
Les berbères se divisent en deux vastes confédérations, les Zénètes et les Sanhaja qui rassemblent des groupes souvent autonomes et rivaux. Les Sanhaja s'installent au contact des populations noires sédentaires du Sud du Sahara occidental pour y vivre et faire du commerce, ils s'organisent en communauté urbaine, bâtissent des mosquées, font pénétrer pacifiquement l'islam, épousent les femmes noires et donnent naissance à une population métisse.
Parmi les Sanhaja, le groupe berbère des Lemtouna qui vit dans l'Adrar domine les villes caravanières du Sud comme Aoudaghost, leur puissance repose sur le commerce de l'or.
Au Xe siècle, les Lemtouna sont affaiblis et divisés. Aoudaghost est prise par le roi de Ghana en 990. Leur islam est très relâché. C'est dans ce contexte que naît le mouvement almoravide.
Le chef Lemtouna Yaya Ibn Ibrahim fait le pélerinage à la Mecque au début du XIe siècle. Au retour il fait une halte au Maghreb, à Kairouan, centre religieux où les musulmans sont ébahis par son ignorance de l'islam. "Je suis le plus instruit de mon pays" leur répond Ibn Ibrahim.
En retournant au Sahara, il ramène avec lui un théologien Abdullah Ibn Yacin, pieux berbère de l'Atlas, lettré de Sidjilmasa qui va prêcher chez les Berbères et leur sert de guide spirituel.
Effrayés par ses prédications et ses prescriptions ascétiques, les Berbères lui manifestent une certaine hostilité.
Le ribbat et la naissance du mouvement spirituel almoravide
Les deux hommes décident de prêcher en donnant l'exemple et se retirent avec quelques disciples dans un refuge "ribbat", situé probablement dans une île du fleuve Sénégal . Parmi eux Yaya Ibn Omar et son frère Abou Bakr. Ces adeptes, ceux du ribbat ou "Al Morabitin" seraient à l'origine du nom Almoravide.
Ibn Yacin, homme strict et puritain qui selon El Bekri "s'abstenait de manger la chair de leurs troupeaux et d'en boire le lait prétendant que leurs biens étaient mal acquis, ne se nourissait que du gibier qu'il prenait dans le désert" donne comme mission d'imposer la vraie foi par la force.
Les effectifs des almoravides s'accroissent progressivement, jusqu'à 30.000 disciples, rejoints par la population noire du Tekrour. Ils forment une confrérie militaire avec Ibn Yacin comme guide spirituel, Yaya Ibn Omar comme chef de guerre et lancent dès 1042, une guerre sainte - le djihad - contre les Berbères lemtouna.
Le djihad des almoravides
Ces milliers de disciples forment des fantassins, des cavaliers et des chameliers, armés de piques, de lances et de massues. Dans un combat les almoravides mettent les fantassins en lignes. Les premières portent des sabres et des lances pour arrêter l'ennemi, les suivantes lancent des javelines.
A la tête des troupes, le porte bannière guide le combat. Lorsqe la bannière s'abaisse les troupes doivent s'accroupir et attendre le choc final. Il est interdit de fuir. Les almoravides suivent au combat le précepte coranique, "vraiment Dieu aime ceux qui combattent selon sa voix, en rangs comme un bâtiment cimenté".
Les Almoravides soumettent les berbères lemtouna et conquièrent l'Adrar et le Tagant. Au Nord, Ibn Yacine prend possession de Sidjilmasa en 1055. Il décide de sortir du Sahara en franchissant l'Atlas pour devancer une attaque éventuelle des Arabes du Maroc, mais il est tué en 1057 dans l'une des premières batailles.
Au Sud, en 1054 Ibn Omar prend et pille Ouadaghost, qui faisait partie de l'empire de Ghana. Mais l'entente ne dure pas au sein des Berbères. Le rigorisme des almoravides est contraire à leur esprit d'indépendance.
Au cours d'une révolte dans l'Adrar, Ibn Omar est tué en 1056.
La conquête des successeurs : Abou Bakr et Ibn Tachfin
Le frère d'Ibn Omar, Abou Bakr laisse le commandement des troupes almoravides du Sud marocain à son cousin Youssouf Ibn Tachfin, type parfait du moine soldat almoravide, véritable ascète, très populaire parmi les Sahariens et se rend dans l'Adrar pour faire face aux soulèvements des Sanhaja dissidents.
Pour renforcer leur cohésion, il décide de les entrainer dans une guerre contre l'empire animiste du Ghana.
Ibn Tachfin au Maroc, se présente comme le libérateur des humbles, le restaurateur de la foi contre la corruption de leur chef et de l'égalité des fidèles.
Avec ses troupes qui augmentent sans cesse, il conquiert le Maroc et fonde en 1062 Marrakech. Il étend son pouvoir jusqu'à Alger et s'empare de l'Andalousie, l'Espagne musulmane, sans se laisser séduire par les douceurs raffinées des Andalous.
Lorsque Abou Bakr remonte vers le Nord en 1070, il trouve devant lui non plus un simple chef de l'armée almoravide mais un homme chargé de gloire.
Le Berbère lemtouna Ibn Tachfin, grand conquérant, gouverne les pays conquis pendant 46 ans et meurt en 1106, presque centenaire sans jamais se départir de son idéal d'austérité.
Au Sud, Abou Bakr regroupe les Berbères lemtouna et avec l'appui des Toucouleurs islamisés, s'empare d'Aoudaghost en 1054. La ville est pillée et incendiée.
Mais la conquête de l'empire animiste de Ghana qui se protège des Berbères et de l'islam est plus difficile. Le pays est d'abord ravagé puis après de nombreux assauts contre Koumbi-Saleh sans résultat, la capitale finit par être prise en 1077. La ville est pillée et incendiée, le souverain massacré et le palais détruit.
En continuant à rassembler les berbères pour lutter contre le Ghana, Abou Bakr est blessé en 1087, dans un combat, par un archer soninké aveugle. Il expire au Tagant en laissant son épouse toucouleur enceinte. Son fils Ndiadiane Ndiaye est selon la tradition orale le fondateur du royaume Wolof du Waalo. La tombe d'Abou Bakr se trouve dans le Tagant près de Tidjikja.
L'empire Almoravide
Pour la première fois, un vaste empire qui s'étend du Sénégal au Tage met en relation des peuples différents du monde noir au monde blanc.
Les Almoravides détiennent les routes transahariennes qui relient ces deux ensembles avec les grands centres caravaniers de Sildjimasa au Nord, Ouadaghost et Koumbi-Saleh au Sud.
Mais son existence est brève. Ibn Tachfin conquérant de la plus grande partie de l'empire almoravide n'a pas su organiser ses conquêtes et créer une infrastructure administrative.
Dans le Nord de l'empire, son fils Ali Ben Youssouf, élevé dans les délices du pays andalou perd la confiance des rudes généraux forgés par le Sahara. Il est incapable de résister au péril chrétien. Lorsqu'il meurt en 1143, les Almohades, autre mouvement religieux mais du Haut-Atlas opposé au puritanisme des Almoravides, occupent une partie du Maroc. Les Almoravides sont repoussés au Sahara.
Dans le Sud, après la mort d'Abou Bakr, les Almoravides se désintéressent des conquêtes. Ils redeviennent de simples berbères Sanhaja.
l'empire du Ghana redevient indépendant mais ruiné. Ses anciens royaumes vassaux: Le Diara, le Sosso, le Galam se proclament indépendants.
Les villes caravanières d'Aoudaghost et de Koumbi-Saleh sont en déclin. Leurs riches marchands se réfugient à Walata qui devient une ville commerciale prospère.
L'islam pénètre dans le monde noir. Les Toucouleurs en partie islamisés se convertissent en masse. Au Ghana, les Soninké sont obligés d'embrasser l'islam après leur défaite. Les Mandingues se convertissent aussi.
L'islam propagé par les commerçants toucouleurs et sarakollés, arrive jusqu'au golfe de Guinée où ils viennent acheter la cola.
Mais certains peuples réfractaires résistent à l'islam: Sérères, Wolofs, Bambaras, les Peulhs migrent vers le Fouta-Djalon, le Macina ou le Nord du pays haoussa.
Au Maghreb, les nombreuses mosquées construites à Fès, Marrakech, Tlemcen s'inspirent de la grande mosquée de Cordoue avec un mélange hispanique et africain.
De nouvelles migrations d'arabes nomades vont se joindre du XIVe au XVIe siècle aux berbères déjà islamisés du Sahara occidental et s'assimiler. Ainsi prend naissance le peuple maure et la formation ultérieure de la Mauritanie sur les anciennes terres qui ont donné naissance au mouvement unificateur almoravide allant du Sénégal au Tage
Source senegalfouta