Biographie de l'auteur
Ahmadou Kourouma est né de parents guinéens d’éthnie
malinké, une ethnie présente dans plusieurs pays d’Afrique de l'Ouest. Son nom
signifie « guerrier» en langue malinké. Son père est un marchand de noix de
kola. Il vit une partie de son enfance à Togobala en Guinée. Ce lieu a
constitué un des cadres de Les soleils des indépendances, sa première œuvre.
Sous la responsabilité de son oncle Fondio, il fréquente l'école rurale de
Boundiali, à partir de l'âge de sept ans, dès 1935. Il poursuit ses études à
l'école régionale de Korhogo (1942), à l'école primaire supérieure de
Bingerville (1943) et à l'école technique supérieure de Bamako (1947). Deux
années plus tard, il est renvoyé de l'école pour avoir conduit des mouvements
estudiantins et retourne en Côte d'Ivoire en tant que tirailleur au Bataillon
autonome de Côte d'Ivoire à Bouaké. Cette période coïncide avec les luttes
pour l'indépendance des colonies africaines. Il est arrêté pour insubordination
après avoir refusé de prendre part à des interventions visant la répression des
manifestations de Rassemblement démocratique africain (RDA). Comme sanction, il
est emprisonné, dégradé et forcé de se rendre en Indochine.
De 1950 à 1954, il est envoyé comme tirailleur sénégalais en
Indochine, à titre disciplinaire, avant de rejoindre la métropole pour suivre
des études de mathématiques et d'actuariat à Lyon en France (à l'ISFA, Institut
de science financière et d'assurances). En 1960, lors de l’indépendance de la
Côte d'Ivoire, il revient vivre dans son pays natal. En 1961, il travaille
comme sous-directeur de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale. Mais il est
très vite inquiété par le régime du président Félix Houphouët-Boigny. Il
connaît la prison avant de partir en exil dans différents pays dont l'Algérie
(1964-1969). Là-bas, il participe à la création de la Caisse algérienne
d'assurance et de réassurance. Il quitte l'Algérie pour la France en 1969. Il
est embauché dans une banque parisienne et occupe le poste de sous-directeur
d'une de ses agences à Abidjan en 1971. Ahmadou Kourouma est aussi un grand
athlète. Il est champion de saut en longueur en Indochine et champion de saut
en hauteur à l'université de Lyon. Il a remporté plusieurs titres sportifs. Il
vit également au Cameroun (1974-1984) et au Togo (1984-1994) avant de revenir
vivre en Côte d'Ivoire.
En 1968, son premier roman, Les Soleils des indépendances,
porte un regard très critique sur les gouvernants de l’après-décolonisation. En
1972, il tente de faire représenter sur scène sa pièce de théâtre Tougnantigui
ou le Diseur de vérité. En 1988, son deuxième roman, Monnè, outrages et défis,
retrace un siècle d’histoire coloniale.
En 1998, son troisième roman, En attendant le vote des bêtes
sauvages, raconte l’histoire d’un chasseur de la « tribu des hommes nus » qui
devient dictateur. À travers ce roman, qui obtient le Prix du Livre Inter, on
reconnaît facilement le parcours du chef d'État togolais Gnassingbé Eyadema et
diverses personnalités politiques africaines contemporaines.
En 2000, son quatrième roman, Allah n'est pas obligé,
raconte l’histoire d’un enfant orphelin qui, parti rejoindre sa tante au
Liberia, y devient enfant soldat. Ce livre obtient le Prix Renaudot et le Prix
Goncourt des lycéens. La même année, il est récompensé par le grand prix
Jean-Giono pour l'ensemble de son œuvre.
Lorsqu’en septembre 2002, la guerre civile éclate en Côte
d'Ivoire, il prend position contre l’ivoirité, « une absurdité qui nous a menés
au désordre » et pour le retour de la paix dans son pays.
Au moment de sa mort, il travaillait à la rédaction d’un
nouveau livre, Quand on refuse on dit non, une suite d’Allah n'est pas obligé :
le jeune héros, enfant soldat démobilisé, retourne en Côte d’Ivoire à Daloa, et
vit le conflit ivoirien. Ce roman est publié à titre posthume en 2004.
Kourouma est marié à une Française rencontrée pendant son
séjour à Lyon, et il est père de quatre enfants. Onze ans après sa mort, en novembre
2014, sa dépouille est transférée de Lyon en Côte d'Ivoire
Présentation et résumé
Le roman est considéré «comme marquant un tournant dans
l'écriture romanesque en Afrique subsaharienne.»Écrit en 1968 en réaction aux
régimes politiques africains issus de la décolonisation. Témoin de ces années
de profondes transformations tant politiques que socio-économiques, l’auteur
nous propose à travers son œuvre de voyager et de remonter dans le temps afin
de découvrir une Afrique vilipendée et livrée à elle-même. À cet effet, le
titre de ce roman est une allégorie de cette période durant laquelle l'Afrique
subsaharienne fut confrontée à son propre destin.
L’histoire complète se déroule dans un pays utopique, la
République de la Côte des Ébènes, pays particulièrement tourmenté et en proie à
de grands changements. Outre la disparition de l’hégémonie des puissances
coloniales, la vague des déclarations d’indépendance apparut aux yeux de tous
comme un salut, une rédemption. L’idée d’une vie meilleure, d’une société libre
et disposée à s’engager dans la voie du développement hantait tous les esprits.
Malheureusement, la décolonisation n’engendra que peines, tristesses, pauvreté
et désespoir. Fama, Prince malinké, dernier descendant et Chef traditionnel des
Doumbouya du Horodougou n’a pas, même du fait de son statut, été épargné.
Habitué à l’opulence, les indépendances ne lui ont légué pour seul héritage
qu’indigence et malheurs, qu’une carte nationale d’identité et celle du parti
unique. Parti vivre avec sa femme Salimata loin du pays de ses aïeux, Fama, en
quête d’obole, se verra contraint d’arpenter les différentes funérailles en
ville afin d’assurer son quotidien. Son épouse légitime Salimata lui sera d’une
aide précieuse. Bien qu’incapable de lui donner une progéniture à même de
perpétuer le règne des Doumbouya, celle-ci s’adonnera corps et âme au petit
commerce afin de faire vivre son ménage. Excisée puis violée dans sa jeunesse
par le marabout féticheur Tiécoura, elle gardera à jamais le souvenir atroce de
ces moments où impuissante, elle fut maltraitée, humiliée puis bafouée.
Le temps passa et les jours ne se ressemblaient pas. Le
moment était venu pour Fama de prendre son destin et celui de tout un peuple en
main. Les funérailles de son cousin Lacina auquel il succéda à Togobala,
capitale du Horodougou, furent l’occasion pour lui de redécouvrir les terres de
ses ancêtres qu’il avait quittées depuis déjà fort longtemps et qu’il ne
connaissait pour ainsi dire quasiment plus. En outre, ce retour aux sources lui
permit de connaître l’histoire, son histoire, et celle de la gloire de la
lignée des Doumbouya, une dynastie autrefois riche, prospère, irréprochable et
respectée. Malheureusement, les indépendances changèrent la donne. Les
bouleversements et désenchantements qu’elles insufflèrent mirent un terme
définitif au système politique et de chefferie d’antan, à l’âge d’or des
Doumbouya mais également à tous les privilèges dont jouissait de ce fait tout
un peuple.
Fort de ce constat et conscient que sa place était désormais parmi les siens, Fama décida de rentrer en République des Ebènes afin d’annoncer à Salimata ainsi qu’à ses proches amis, son désir de vivre définitivement à Togobala en compagnie de sa seconde épouse Mariam, qui n’est que l’un des précieux legs de son feu cousin. Conscient des dangers que représentait ce voyage et surtout soucieux de l’avenir de la dynastie des Doumbouya, Balla, vieil affranchi et féticheur de la famille Doumbouya le lui déconseilla. Malgré les conseils de ce vieux sorcier, Fama se mit en route. En fin compte ce voyage lui sera fatal. La stabilité du pays était depuis peu menacée, l’idée d’un soulèvement populaire hantait tous les esprits jusqu’au jour où sans explication aucune, Fama fut arrêté puis enfermé avant d’être jugé. Accusé injustement de participation à un complot visant à assassiner le Président de la République des Ébènes et à renverser le régime politique en place, il fut condamné à vingt ans d’emprisonnement pour avoir tu un rêve qu'il avait fait.
Finalement, c’est après une prompte et inattendue libération
et dans la dignité d’un homme enfin libre que s’éteignit avec Fama, toute une
dynastie et son histoire.
Ahmadou Kourouma évoque la Côte d'Ivoire sous le nom de République de la Côte des Ébènes. La Guinée est elle dénommée République socialiste du Nikinai2. Il réutilisera ce procédé de changement de nom de pays pour son roman En attendant le vote des bêtes sauvages paru en 1998.
source: wikipedia