Il a perdu l’ouïe très jeune, à la suite d'une méningite mais Mohamed Dramé n’a jamais baissé les bras. Nous dressons pour vous le portrait de ce jeune homme dynamique, ambitieux et épanouie dans sa vie religieuse et familiale. L’émouvant témoignage de la vie de Mohamed interroge de manière subtile sur bien des clichés dont souffrent les personnes atteintes de déficience auditive au Sénégal.
Quelle détermination! Parler du parcours de Mohamed Dramé requiert peut-être d’expirer un peu d’air avant de s’étaler sur le sujet. Son cas pourrait faire école parce que chez lui l’exigence est une nécessité. Exigeant, l’ancien élève du lycée Elhadj Malick Sy de Thiès a pu ainsi avec abnégation réussir en 2016 à décrocher son baccalauréat en série S2 avec la mention d’office malgré qu’il ait perdu l’usage de ses oreilles.
Mohamed Dramé est sourd depuis qu’il a six ans. Pourtant cela ne se perçoit presque pas. Teint noir et grand de taille, cet étudiant en Sciences économiques et de Gestion à l’Université de Thiès a l’air d’avoir toujours la pêche. Plein d’énergie, son quotidien en somme assez banal est rythmé par les cours à l’université, la vie en famille, la pratique religieuse… Il se présente comme quelqu’un de bien dans sa peau.
Un vrai parcours de combattant
Pour en arriver là, Mohamed a dû cravacher dur pour se frayer un chemin. Se retrouver du jour au lendemain avec une déficience auditive « n’a pas du tout été facile » selon lui. « N’étant pas sourd de naissance, J’ai donc dû m’adapter à la situation », confie-t-il. Le Natif de Thiès a ainsi un pied dans deux mondes : celui des entendants et l’univers des malentendants.
Pour la réalisation de ce portrait, Mohamed répond en partie à nos questions par message écrit, cela n’enlève en rien au fait qu’il arrive à articuler à son rythme des phrases quand il le faut. «C’est à partir de la classe de sixième primaire que j’ai commencé à présenter des signes de surdité». Fini donc les interminables causeries entre amis sur les sentiers des parcelles assainies (Thiès), au retour de l’école et tant d’autres habitudes; le courant ne passait plus. Le regard des gens vis-à vis de lui change, Mohamed commence à s’en rendre compte petit à petit. «C’est vraiment terrible, on vous relègue tout simplement au second plan ». Pour pouvoir tenir, il lui a fallu compter sur le soutien de son entourage. « Son maître a remarqué ses problèmes d’audition alors qu’il était en classe de CI», nous explique sa grande sœur Mariama Dramé. A ses côtés depuis le tout début, elle est témoin « de la bravoure et du courage (de son frère) à vouloir réussir dans ses études ».
Entre deux programmes
Tout au long de son cursus scolaire, Mohamed a été à cheval entre le programme normal et celui en langue des sourds. Du haut de ses 23 ans, Momath pour les intimes, a passé son apprentissage entre Dakar et Thiès. Après avoir débuté ses études primaires à l’Ecole des Parcelles Assainies de Thiès, il est finalement envoyé dans une école spécialisé de sourds lorsqu’est détecté son handicap. Après quelques années, il réussit à obtenir son Certificat de Fin d’Etudes Elémentaires (CFEE) au centre Kawabata Yasunari (Ex Maristes/ Dakar). Passé l’étape du primaire, il intègre le collège privé catholique Renaissance des sourds à Dakar en sixième secondaire puis décide d’aller poursuivre le reste de son cursus au collège se déroule au CEM Mbour 2 de Thiès (programme normal) où il obtient le BFEM en 2012. Toujours premier de sa classe durant ces quatre années de collèges, c’est jusque là un parcours sans fautes pour Mohamed. Au Lycée, il se passionne pour la série scientifique, un choix que lui déconseille sa sœur Mariama Dramé, consciente des nombreuses entraves lié à son encadrement pédagogique mais c’était sans compter avec la détermination de Momath, décidé à se lancer à l’aventure. Il réussit à faire carte blanche en Seconde S au Lycée Elhadj Malick Sy de Thiès mais ne réussit pas à valider en Première S1. Il se tourne donc vers la série S2. Momath réussit à obtenir son bac l’année suivante en série S2 avec la mention passable. Une telle prouesse, il a pu y arriver grâce à sa volonté. « Je savais bien lire et comprendre les gestes de mes professeurs quand ils expliquaient et écrivaient sur le tableau. Je m’asseyais toujours devant et je faisais tout pour être concentré et suivre correctement. Cela me permettait de mieux comprendre les cours sans même soucier de mon handicap », révèle-t-il.
A l’université, Mohamed Dramé est ensuite orienté au département informatique à la faculté des sciences et technologies (SET) de l’Université de Thiès. Là aussi les possibilités limitées d’une éducation supérieure pour les personnes souffrant de handicap auditif l’oblige à abandonner. « J’avais désisté après seulement 4 mois de cours, sans même valider quelques examens, pour aller déposer ma candidature à l’école pour enfants sourds des Cajoutiers à Warang et j’y ai suivi un an de stage pédagogique comme assistant enseignant». Par la suite, Mohamed prend la ferme résolution de retourner à l’université après avoir adresser une demande de réorientation en sciences économiques et de gestion auprès du rectorat de l’université de Thiès.
Une foi religieuse forte
«J’ai commencé à fréquenter l’école coranique à l’âge de 6 ans alors que mon handicap auditif était déjà survenu. Au début, il m’était difficile de lire l’alphabet arabe mais avec l’apprentissage je réussis maintenant à lire seul et à mémoriser les sourates », fait-il savoir. Tel un remède thérapeutique, c’est cette foi qui lui a permis de surmonter la perte de ses parents mais aussi le manque d’assistance et de dispositifs d’accompagnement pour les personnes porteuses d’handicap auditif au Sénégal. « Je me sens parfois marginalisé, cependant tout ce qui compte réellement pour moi, c’est ma foi, ma volonté et ma détermination à réussir », conclut-il.
Source : #Infoetude