Biographie
Honoré de Balzac
Honoré de Balzac, né Honoré Balzac à Tours le 20 mai 1799 et
mort à Paris le 18 août 1850 (à 51 ans), est un écrivain français. Romancier,
dramaturge, critique littéraire, critique d'art, essayiste, journaliste et
imprimeur, il a laissé l'une des plus imposantes œuvres romanesques de la
littérature française, avec plus de quatre-vingt-dix romans et nouvelles parus
de 1829 à 1855, réunis sous le titre La Comédie humaine. À cela s'ajoutent Les
Cent Contes drolatiques, ainsi que des romans de jeunesse publiés sous des
pseudonymes et quelque vingt-cinq œuvres ébauchées.
Comme il l'explique dans son avant-propos à La Comédie
humaine, il a pour projet d'identifier les « espèces sociales » de son époque,
tout comme Buffon avait identifié les espèces zoologiques. Ayant découvert par
ses lectures de Walter Scott que le roman pouvait atteindre à une « valeur
philosophique », il veut explorer les différentes classes sociales et les
individus qui les composent, afin d'« écrire l'histoire oubliée par tant
d'historiens, celle des mœurs » et « faire concurrence à l'état civil ».
Ses opinions politiques sont ambiguës : s'il affiche des
convictions légitimistes en pleine monarchie de Juillet, il s'est auparavant
déclaré libéral et défendra les ouvriers en 1840 et en 1848, même s'il ne leur
accorde aucune place dans ses romans. Tout en professant des idées
conservatrices, il a produit une œuvre admirée par Marx et Engels, et qui
invite par certains aspects à l'anarchisme et à la révolte.
Outre sa production littéraire, il écrit des articles dans
les journaux et dirige successivement deux revues, qui feront faillite.
Convaincu de la haute mission de l'écrivain, qui doit régner par la pensée, il
lutte pour le respect des droits d'auteur et contribue à la fondation de la
Société des gens de lettres.
Travailleur forcené, fragilisant par ses excès une santé
précaire, endetté à la suite d'investissements hasardeux et d'excès
somptuaires, fuyant ses créanciers sous de faux noms dans différentes demeures,
Balzac a aussi eu de nombreuses liaisons féminines avant d'épouser, en 1850, la
comtesse Hańska, qu'il avait courtisée pendant dix-sept ans. Comme l'argent
qu'il gagnait avec sa plume ne suffisait pas à payer ses dettes, il avait sans
cesse en tête des projets mirobolants : une imprimerie, un journal, une mine
d'argent. C'est dans un palais situé rue Fortunée qu'il meurt profondément endetté
au milieu d'un luxe inouï.
Résumé : Le
père Goriot d’Honoré de Balzac (1835)
Le père Goriot a fait fortune dans le commerce du vermicelle
et des pâtes d'Italie. Maintenant il songe à se retirer des affairés, afin de
trouver pour ses filles chéries, Delphine et Anastasic, un brillant mariage;
car toutes deux veulent être comtesses, ou au moins baronnes. Et comment un noble
consentirait-il à épouser la fille d'un marchand de vermicelle? Ce n'est pas
toutefois sans un vif regret que le brave homme dit adieu à ses pâtes et à ses
farines; c'est au milieu d'elles qu'il voudrait vivre et mourir : ne
l'ont-elles pas fait millionnaire? mais il le faut, ses filles l'exigent; et le
père Goriot vend son fonds de vermicellier.
Une fois retiré, ce n'est plus qu'un ancien négociant, avec
un capital de deux millions. Delphine et Anastasie peuvent choisir un mari;
l'une épouse un baron de Mecingen, et l'autre devient comtesse de Restaud.
Avant d'arriver là, il a bien fallu faire des sacrifices d'argent. De son
immense fortune, il ne s'est réservé que dix mille francs de rente : mais que
lui importe, pourvu que ses deux filles soient riches et heureuses? Dix mille
francs de rente! il ne lui en faut pas tant pour vivre; il peut encore employer
les quatre cinquièmes de son revenu à leur faire d'utiles cadeaux. Dans bien
des circonstances, pour une foule de coûteuses frivolités, de petites
nécessités de toilette, le père Goriot est encore la providence de ces dames :
aussi le reçoit-on bien, le fête-t-on, en famille seulement, cela va sans dire,
et en petit comité : devant le monde on rougirait de lui.
Enfin ce bonheur-là suffît encore au père Goriot ; il voit
ses chères enfants aussi souvent qu'il lui plaît. De temps en temps ses gendres
daignent le visiter dans son petit appartement ; on laisse bien échapper
parfois quelques dures paroles, quelques sarcasmes blessants ; le père Goriot
s'en afflige un moment, et finit par en prendre son parti. Car après tout on
l'aime, pense-t-il; au moins on le lui
dit. Encore si cela durait!
Mais les ruineuses prodigalités de ses filles diminuent
chaque jour son dernier capital. Les gendres, qui jusque-là supposaient encore
au beau-père un joli reste de fortune, s'aperçoivent qu'il n'a presque plus
rien, une centaine de mille francs peut-être. C'est bien la peine vraiment de
se gêner pour si peu, de subir à tout instant des humiliations à cause d'un
pareil homme ! On ne le reçoit plus que rarement et avec froideur ; on ne
manque aucune occasion de lui faire sentir que sa présence fatigue et contrarie
: le père Goriot, quoique affligé de ce refroidissement, tient bon néanmoins.
Il vient pour voir ses filles, pour être témoin de leur bonheur ; car c'est là
tout le sien désormais. Mais enfin on se lasse, on le congédie, on le met à la
porte. Pauvre père Goriot
Alors il quitte son joli logement, il renonce à ses beaux
meubles, à tout ce qui faisait sa vie de garçon agréable et commode. Il
abandonne les élégants quartiers de la capitale pour s'exiler au faubourg
Saint-Jacques, dans une pension bourgeoise des deux sexes ; il choisit une
chambre au premier étage, où il puisse recevoir Delphine et Anastasie sans les
faire rougir, si, comme il l'espère, elles viennent encore le voir de loin en
loin.
Voilà donc le père Goriot, millionnaire il y a deux ans, devenu aujourd'hui pensionnaire de la maison Vauquer ! Il commence à comprendre qu'il a eu tort peut-être de se mettre à la merci de ses gendres, de ne rien refuser à ses filles. Se voyant délaissé, maintenant qu'il est pauvre, il s'aperçoit enfin qu'on le choyait auparavant seulement parce qu'il était riche ; il sent la faute qu'il a commise. Son revenu est bien mince à présent ; mais comme son premier besoin, sa première nécessité est de voir ses filles, il trouve encore moyen d'économiser pour elles ; c'est pour elles qu'il réduit ses dépenses, qu'il supprime toutes superfluités, qu'il se prive de tout, même du nécessaire : il entasse écu sur écu pour les voir quelquefois. En effet, quand par hasard elles viennent encore le visiter dans sa modeste chambre, il sait bien que ce n'est plus pour lui, pauvre vieux, mais pour son or. N'importe, il est encore trop heureux de les voir à ce prix. Pour amasser de cet or, il diminue tous les jours sa dépense, monte successivement du premier étage de la maison jusqu'à la mansarde. Pour faire face à toutes les folles dépenses de ses filles, il se défait peu à peu de tous les débris de son ancienne opulence, il vend son argenterie, il vend sa montre, sa chaîne, tous ses diamants ; enfin il est ruiné, il a tout vendu, jusqu'aux bijoux de sa défunte. Que faut-il de plus ?
Mais les grandes dames sont toujours là, lui demandant de
l'or. « Allons, pauvre Goriot !, pour donner à tes filles une robe de bal, ou
payer quelques dettes secrètes, vend sa dernière ressource, le morceau de pain
qui te reste et te fait vivre ; et quand tu auras aliéné ta pension
alimentaire, quand tu auras tout donné, hâte-toi de mourir, va-t'en de ce monde
où tu n'es plus bon à rien. »
Ainsi arrive-t-il. Le père Goriot n'a pas même, à ses derniers
moments, la consolation de bénir ses filles ; il meurt sans les voir, les
ingrates !
Outre le père Goriot et ses filles, il y a dans le roman d'Honoré de Balzac plusieurs figures secondaires dont nous n'avons pas parlé, parce que l'auteur a jugé à propos de ne les donner qu'en croquis, entre autres celle d'un étudiant en droit, Rastignac, l'amant d'une des filles du père Goriot ; jeune homme d'une famille noble, mais pauvre, venu à Paris pour faire son chemin ; esprit froid et calculateur qui veut étudier le monde pour le mieux faire servir à son élévation. Nous n'avons rien dit non plus de certains détails du livre, pleins d'exagération et de fausseté, où Balzac fait jouer gratuitement au père Goriot, dans l'intrigue de sa fille avec son amant, un rôle indigne et méprisable.