« Dans le domaine de l’histoire, c’est quelqu’un qui a été innovant, il a su montrer une nouvelle manière d’appréhender le passé. Ses travaux sur la présence noire en France sont fondateurs », dit de lui l’historien Pascal Blanchard, spécialiste de la colonisation.
« C’est un praticien, qui enseigne, qui sait ce que sait que d’être devant une classe d’élèves! C’est bien d’aller chercher un pédagogue au moment où il y a un mal-être chez les enseignants », ajoute-t-il, saluant également « quelqu’un à l’écoute de la diversité » et « connaît les enjeux internationaux ».
« Sur tout ce qui touche aux minorités, il incarne des orientations qui ne sont certainement pas celles que Jean-Michel Blanquer (son prédécesseur) a mises en œuvre », analyse le sociologue Michel Wieviorka. « Il a également la chance de pouvoir nous faire circuler entre différentes cultures », les États-Unis, l’Afrique et la France.
Ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé d’histoire et titulaire d’un doctorat obtenu à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), Pap Ndiaye est le frère aîné de l’écrivaine Marie NDiaye, prix Goncourt 2009.
Il a étudié aux États-Unis de 1991 à 1996 et s’est fait connaître du grand public en publiant en 2008 « La Condition noire, essai sur une minorité française », son ouvrage de référence.
En 2019, toujours avec l’envie de vulgariser ses sujets d’étude, il devient conseiller scientifique de l’exposition « Le modèle noir », au Musée d’Orsay à Paris, sur la représentation des Noirs dans les arts visuels. Plus récemment, il a co-présenté en 2020 un rapport sur la diversité à l’Opéra de Paris.
Lors de son arrivée à la tête du Musée national français de l’histoire de l’immigration en mars 2021, il déclarait à l’AFP que sa nomination était un symbole pour les jeunes « non-blancs », même si elle était « d’abord due » à son travail d’historien et à sa « longue carrière d’universitaire ». « Je m’assume tel quel avec ma couleur de peau », ajoutait-il.
Réputé partisan du consensus, sa personnalité pourrait être un atout pour favoriser la réconciliation avec le monde enseignant, très critique à l’égard du ministre sortant, Jean-Michel Blanquer.
« Il est diplomate dans sa façon d’être aux autres. C’est bien car c’est un ministère qui a besoin de diplomatie », estime Pascal Blanchard.
« C’est quelqu’un de très réfléchi, très posé », abonde Michel Wieviorka. « S’il a les moyens d’avoir la politique qu’il peut incarner, comme personnalité intellectuelle, je pense que nous irons dans une direction nouvelle ».
Pour Louis-Georges Tin, ex-président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), dont Pap Ndiaye a été vice-président du conseil scientifique, c’est également « quelqu’un qui arrive à pacifier les tensions », qui « crée du consensus par le haut » et « respectueux ».
L’arrivée à l’Éducation nationale de Pap Ndiaye, qui avait signé en 2012 une tribune appelant à voter pour François Hollande, suscite la surprise.
« Je suis stupéfait de cette nouvelle. Pour moi Pap Ndiaye n’était pas du tout là dedans. Ce qui est sûr c’est qu’il fallait "déblanquériser" l’Éducation nationale », a réagi auprès de l’AFP le député La France Insoumise (LFI, gauche radicale) Alexis Corbière. Mais « ce coup médiatique, le seul de ce gouvernement terne, ne désamorcera pas la profonde colère dans l’Éducation nationale », estime-t-il.
Pour le principal syndicat enseignant du second degré, le Snes-FSU, « la nomination de Pap Ndiaye est une rupture avec Jean-Michel Blanquer à plus d’un titre ». Mais « l’Éducation nationale ne se gouverne pas uniquement à coup de symboles », met-il en garde dans un communiqué. « Les urgences sont réelles, des réponses rapides sont attendues, notamment en matière salariale ».
Colombe Blanche